11 novembre 2007

Digression

La nature automnale défile en ce matin bleu, quelques gelées blanches émergeant au gré du frimas en volutes prégnantes. Qu’elle est belle cette France effleurée à grande vitesse : les pastels d’une nature en voie d’hibernation s’écoulent au fil des courbes agrestes ; les logis truffent, sans jurer, les vallons et mamelons mis en branle par notre fuite vers le Nord. Trompeuse immuabilité de ce fragile enchantement du hasard et de la vitalité dardé par les rayons de l’astre ascendant. La vie ennoblit terres et roches ; l’esprit vagabonde, aspirant à une harmonie utopique.


L’humanité déçoit par son contingent de malfaisants. Aucune catégorie, section, parcelle de l’espèce désignée dans cette cohorte hétéroclite : de la petite frappe profiteuse, centrée sur la satisfaction immédiate de ses ineptes besoins, surtout au détriment du bien commun, jusqu’au notable se torchant avec le contrat social pour combler ses intérêts. Chacun, dans sa sphère méprisante de l’autre, désespère un peu plus du système collectif salopé. Se contenter d’observer illusionne sur sa propre capacité à échapper à la bourbe ambiante. Revenir aux beautés sans conscience d’une nature offerte. La tension vocale d’Alanis Morissette, l’émotion croissante de That particular Time bouleverse mes ronchonnements, plongé dans cette nappe brumeuse qui occulte les merveilles d’un espace débarrassé des fatuités sonores, des salauderies braillées, des inepties débitées pour se rassurer de sa présence à l’autre.

L'auteur, "petiot"
Poussée misanthropique, comme un gênant urticaire à dissimuler… je ne veux pourtant pas l’ignorer. Elle rythme, depuis petiot, mon rapport à ce monde. Des plongées dans son histoire à l’imprégnation quotidienne de l’actualité, je ne parviens pas à rester enthousiaste.
Si l’extrême majorité, à laquelle je m’agrège, ne fait que vivoter en s’accordant quelques excroissances jouissives, la part malfaisante dévoie les règles collectives du bien vivre pour enfler leur ego et satisfaire leurs folies ordinaires.

Revenir aux étendues esthétiques pour reposer un peu ses tourments et espérer que l’aventure humaine ne s’achève pas dans un chaos nihiliste…

30 octobre 2007

Les fossoyeurs de l'UE

La mixture idéologique du PS français exhale un relent d’intime contradiction à l’égard du traité de Lisbonne qui devrait, enfin, offrir un cadre institutionnel pour l’UE à vingt-sept.

Si Vincent Peillon et quelques parlementaires, partisans du Non en 2005, ont enfin reconnu l’échec absolu de la stratégie de rejet (« espérant créer un rapport de forces qui permettrait de renégocier le traité (…) ce n’est pas ce qui s’est passé ») certains socialistes prônent la plus contradictoire des alternatives : l’appel à un nouveau référendum ou l’abstention des élus ! Crainte de servir Nicolas Sarkozy en reconnaissant la réussite de sa volonté de relancer la locomotive européenne, ou peur d’assumer au grand jour ses divisions internes persistantes ? Si Hollande, le Sert-à-rien général, en arrive à ce degré zéro de la position politique, le mouvement de refondation sera mort-né.


Valéry Giscard d’Estaing revient, dans un article teinté d’amertume condescendante (« La boîte à outils du traité de Lisbonne », Le Monde du 27 octobre), mais pertinente, sur les paradoxes et faux-semblants de ce traité. Il glorifie ainsi, à rebours, la qualité du projet constitutionnel qui avait une vraie cohérence et l’objectif de simplifier (eh oui !) les textes fondamentaux de l’UE.


Avec Lisbonne, on en revient à la bonne vieille pratique technocratique de l’ajout par amendements à des traités antérieurs (Rome et Maastricht en l’espèce). Résultat : sous couvert d’une appellation première de « traité simplifié », une forme indigeste, illisible pour le citoyen, sauf à lui pondre une version compilatrice. Là où le traité constitutionnel formait un ensemble autonome pour une avancée notable dans cette construction d’intégration pacifique, le traité de Lisbonne reprend les seuls aspects techniques pour faire fonctionner les institutions, laissant à l’état de capharnaüm inaccessible pour le citoyen les dispositions des autres traités synthétisées dans la partie III de la Constitution rejetée par les Français et les Néerlandais.

On a donc « bricolé », pour l’ancien Président, délaissant toute allusion à l’envergure constitutionnelle, une « maladie honteuse » sans doute, comme le déplore VGE.


Que les nonistes hostiles à la construction européenne aient soutenu de casser la dynamique, rien de plus logique. La vraie faute politique revient à tous ces modérés prétendus qui ont détourné la question référendaire pour servir leurs ambitions nationales (avec un échec cinglant pour la plupart, suite aux résultats de l’élection présidentielle). Ceux-là devraient au moins admettre la stérilité de leur positionnement claironné, deux ans et demi plus tard. Et bien non, certains s’obstinent à vouloir avoir raison.


Ainsi Laurent Fabius, de passage sur France Inter, qui s’adonne à une démonstration en règle de la mauvaise foi politique. A nouveau, le voilà s’érigeant en censeur du nouveau projet européen. Ses arguments s’entrechoquent, et parfois se contredisent, sans que cela lui pose le moindre cas de conscience.


« Déni de démocratie », formule choc qu’il assène pour stigmatiser la voie parlementaire retenue pour ratifier le traité de Lisbonne. Outre que cela révèle son total mépris pour la démocratie représentative, tout aussi légitime que la démocratie directe comme le rappelle l’article six de la Déclaration des droits de l’homme, cela constitue la plus éclatante manifestation d’un populisme de gauche qui sacralise à outrance la voie populaire. Dangereux penchant qui pourrait décider, à ce titre, à remettre en cause quelques grandes lois de la République (sur l’IVG, sur l’abolition de la peine de mort) sur lesquelles le peuple n’a pas été convié à se prononcer.


Contradiction interne révélatrice de l’opportunisme argumentatif de Fabius : tout en estimant que le Parlement ne peut se prononcer sur un texte rejeté par référendum, ce qui sous-entend traité de Lisbonne = traité constitutionnel, il affirme, dans le même temps, que les défenseurs du Oui avaient bien (dès 2005, sans doute !) un plan B, contrairement à ce qu’ils prétendaient, ce qui suppose deux textes bien différents. Alors quoi ? Il faut que le prétendu portefaix de la parole du peuple choisisse et cesse ses escroqueries intellectuelles.


Laurent Fabius
Sans vergogne, l’anti-européen de fait reproche au traité de Lisbonne d’être illisible ! Incroyable. Le même reprochait au traité constitutionnel d’être trop compliqué, alors que son objectif était bien de se substituer aux autres traités et donc de simplifier la lisibilité des règles institutionnelles de l’Union. Fabius s’est pourtant battu pour son rejet et le voilà aujourd’hui qui reproche au traité de Lisbonne d’avoir abandonné cette perspective, renouant avec la tradition cumulative par amendements. Là encore, c’est tout et son contraire à dénoncer également, sans honte de son incohérence absolue à deux ans et demi de distance. Et ça se revendique encore partisan de l’UE.


Autre reproche invraisemblable de l’ex Premier ministre reconverti en fossoyeur de l’Europe : le traité de Lisbonne ne serait pas assez ambitieux, car il ne prévoit rien sur les politiques communes à mener. Le traité constitutionnel reprenait, dans sa partie III, le contenu des politiques antérieures en développant ou simplifiant certains points : ça ne lui convenait pas. Le traité de Lisbonne se contente, dans une certaine urgence, de fixer les règles institutionnelles : ça ne va pas mieux. Il faut que les Fabius et compères assument pleinement leur rôle d’opposants à la construction européenne, sauf à ne retenir qu’un seul Etat membre, si possible peuplé des seuls adeptes de leurs fumeuses positions.


Il est grave que des élus, s’affichant pro-européens, se permettent de tels écarts avec l’honnêteté intellectuelle de base. C’est bien d’un déni de représentativité auquel ces élus vont se livrer en refusant de prendre part au vote sur la ratification de ce texte vital pour une UE paralysée. Et ils prétendent encore défendre l’élargissement des pouvoirs du Parlement, alors qu’ils conchieront ainsi son rôle actuel en ne se prononçant pas sur le traité soumis.


Les coups de boutoir sans masque des souverainistes valent presque mieux que les tortillements pernicieux de ces hypocrites contempteurs.


Cet article est également paru sur Agoravox

13 octobre 2007

Langue à croquer !

Timour Serguei Bogousslavski et sa Morue de Brixton m’offrent quelques plaisirs stylistiques. Ce récit d’une vie mouvementée, en rupture avec une société saisie au scalpel, pourrait m’inciter à convertir mon témoignage chronologique en cohérence littéraire. Pas encore mûr pour cela. La distance temporelle fera peut-être émerger des détails et affûtera mes propos comme ceux de ce « jeune écrivain de quatre-vingt-quatre ans » en 1998, ainsi que l’annonce la quatrième de couverture de ce pavé aux joyaux incisifs.

A l’avenant : « l’Auriol frottait le trône de son cul social, et j’eus plaisir à me souvenir d’avoir, par élan poétique et mépris d’aristo, pissé, à Alger, dans le tiroir de son bureau ».

Pour souligner l’abjection du corps judiciaire faisandé, une charge pamphlétaire du plus bel effet : « Conscient de l’aspect terrifiant et funèbre de son rôle, monsieur le procureur vêtait de noir sa viande que l’on devinait molle sur des os pleins d’orgueil. Après avoir servi le Pétain et sa bande et croqué quelques juifs, il ne rougissait pas d’avoir pendu au mur le noble et fier tarin du général de Gaulle, et il demeurait blême. »

Et comme une implacable généralisation : « Dans le soupir j’appréciai l’esthétique nette et sure de l’état fonctionnaire : un peu de blé dans le goulot et le pantin fonctionne. »

Lucidité inaltérable : « les crimes, les iniquités, les corruptions étant inséparables de l’action politique, seuls les hommes définis par ces actes ambitionnent de s’y adonner et y réussissent. Le tour de leur monde est vite fait, bien qu’il soit sans limites dans ses turpitudes. » Le pauvre Bayrou devrait donc abandonner toute prétention au trône…

Sartre à la fête : Revel l’avait épinglé, Bogousslavski le cloue au pilori. « (…) ce Sartre, animal doté d’un machin mental rare, de talent, et pourtant avec ça nullité spirituelle éclatante. A propos de cet agité, dont l’encre racole encore les amants clopinants de la pensée bancale, il est bon, pour lui donner sa place sur l’échelle de l’esprit, de tirer de l’oubli qu’il fit imprimer et coller sur les murs de Paris la cafetière salvatrice du général de Gaulle pourvue des moustaches d’Hitler… Qu’il y ait parmi les clercs un nombre plus élevé de sots tordus qu’en d’autres espèces devrait être un sujet d’études. »

Mon oncle, coco déclaré et sartrien de fait, avait représenté un de mes grands cousins en cafetière moustachue… une référence indécelable, jusqu’à aujourd’hui, pour le pékin inculte que je suis ! Ce grand cousin, plutôt marqué à droite, s’est fait croquer par l’oncle sans pouvoir imaginer l’attaque clandestine dont il faisait l’objet sous couvert de production affective.

Même le gaulliste Malraux s’en prend une décapante ration : « Ce désir insatisfait m’inspirait devant le faux, le clinquant sottement admiré, et d’abord celui, fleuve, de la tronche à malices et à tics de Malraux, champion incontestable de la frime intellectuelle bien nourrie de bouillie savante. (…) Il me faisait penser à un mérou nerveux, gonflé de verbe[s] creux. »

Le pamphlétaire eut aussi ses admirations : Cocteau, Picasso, Fernand Léger…

Quelques trouvailles à encadrer : « Je n’aimais pas me lever tôt, les matins de la capitale puaient la sueur des pauvres et les pets des ambitieux… » ; « Le touriste, cette ordure animée qui salit la Terre de ses pas afin de fuir son vide et prendre des photos pour montrer à d’autres idiots ce qu’il n’eut pas le temps de voir, est la lèpre du siècle… » Je me fais du mal là…

Et les jockeys, qui eut pensé à les assaisonner : ils « avaient l’air de petits chimpanzés habillés. Ils faisaient jeu de cirque avec leurs culs menus [pluriel curieux], bien trop pour leurs culottes, leurs pattes un peu trop grêles et pas racées du tout à côté de celles des bourrins, leurs blouses de carnaval, leur barda sous le bras pour aller se faire peser comme des poulets ou du fromage sur les marchés. »

Identité de perception via les redoutées cours de récréation : « J’avais en horreur les braillards de mon âge, vulgaires et sots pour la plupart, bêtement brutaux et bruyants. » Tout ce qui emplit les stades à l’âge adulte, tardant à s’entasser dans les fosses très communes.

L’art de la description, il s’y adonne jusqu’au jubilatoire : « De sa vaste personne émanait une odeur légère de friture qui semblait donner la nausée à un grand Jésus crucifié, juste derrière lui sur le mur. » Un régal !
Aphorisme déniché : « Croire est le contraire de savoir, c’est le fourbi de la pensée arrangée en blindé aveugle. »

Terrible évidence assénée sur la piètre nature humaine : « Peu d’hommes sont capables de véritable errance, de marcher sur les chemins ultimes de la liberté où nul abri ni gamelle ne sont assurés au bout de la route et de la journée… »

Une autre, en telle symbiose avec mes convictions que je la surécris : «(…) je méprisais la foule, ses basses convictions et leur inévitable crotte : le fanatisme. Semblable au temps ou à la vie, le mépris est irréversible. Tendre la main à un homme, oui et toujours, aux hommes non, et à jamais.»

Enfin, instant d’une nostalgie pour mes fosses de l’irréalisé : « Souvent je songe aux destins à jamais inconnus de ces êtres à peine entrevus et qui pourtant demeurent en moi gravés, et je reçois d’eux la tristesse de n’avoir pu ni su les accompagner, peut-être les aimer, les aider sur l’horrible chemin de jours que toute vie finalement se révèle… » Piocher ça et là dans cette fresque humaine tourneboulante. A lire d’urgence donc.

07 octobre 2007

Ah ! Chabal ira, Chabal ira, Chabal ira

Les All Blacks refroidis, engrisaillés pour leurs vingt ans d’une unique et si lointaine victoire en coupe du monde de l’ovale... Plus très ronde, pour eux, la terre : dès leur haka, les gaillards de France s’étaient rapprochés de la ligne défiante.

Je l’avoue, l’épopée rugbystique française ne me laisse pas de marbre. Sans doute devrais-je me plonger dans la littérature d’Antoine Blondin pour mieux cerner ce ressenti instinctif, mais je préfère me dispenser de toute influence.

A côté des basiques règles du football, ce sport collectif mêle d’innombrables principes et procédures à respecter qui en font une discipline de la tête tout autant que des muscles.

Le XV à XXX français poursuit sa montée talentueuse, se débarrassant ce soir des plus expéditifs de la compétition, pour tenter une nouvelle euphorie collective, presque dix ans après celle pour le ballon rond.

Il fallait une figure charismatique et communicante, comme pouvait l’être le maestro Zidane, pour cette nouvelle aventure médiatico-sportive. C’est le guerrier chevelu, le Samson-Chabal qui détermine l’attraction. Le colosse au physique mythologique pourrait incarner la « nouvelle Renaissance » que l’Elysée appelle de ses vœux : indomptable, engagé sur tous les fronts, la mine hirsute et le regard sans concession sur le terrain, mais d’une virile affection le temps du combat passé, il entraîne les dépassements de soi.

Ce soir, comme une leçon de résistance sportive, jusqu’à l’ultime engagement pour le collectif, la troupe de Laporte a résisté aux vifs assauts, au rouleau compresseur des Néo-Zélandais, jusqu’à maintenir le suspens sur le fil implacable d’une dramaturgie partagée.

L’entrée de Chabal a donné le souffle puissant, Michalak a délivré la vitesse lucide, et le groupe a surpassé ses appréhensions, a transcendé ses doutes pour que le si mince écart s’érige en roche Tarpéienne pour les Blacks, ouvrant la voie du Capitole aux Bleus inspirés.

Du lyrisme ronflant, sans doute, de l’enthousiasme disproportionné pour ce jeu populaire, je l’admets, mais lorsqu’un groupe parvient à surpasser tout ce qui plaidait contre lui, en mordant la verte galloise jusqu’au bout, cela incline à l’hommage, sans arrières pensées ni dédain intellectualisant mal placé.

Chabal ira, Chabal ira, Chabal ira PAS !

06 octobre 2007

Las des Haines fantasmées !

L’hystérique campagne orchestrée, suite à la proposition d’un recours possible à des tests ADN dans la gestion de l’immigration, laisse songeur. A parcourir les innombrables réactions épidermiques, arque boutées sur la sacro sainte éthique française qui se revendique universelle, on découvre un concentré de mauvaise foi et d’extrapolations malhonnêtes.


Le projet lui-même : laisser la possibilité à l’immigré demandeur d’un regroupement familial le soin de recourir à la preuve génétique de sa filiation afin de pallier l’incurie administrative de son pays d’origine ou de permettre à l’Etat français de s’assurer de l’absence d’une fraude documentaire. Cette mesure serait laissée au volontariat, à la demande du bénéficiaire, à l’initiative du candidat… comment l’exprimer autrement ? Pourtant, même une tête bien faite comme celle d’Edouard Balladur transforme un outil supplémentaire simplement proposé aux immigrants en une arme discriminatrice entre les mains de l’administration française, laquelle est, bien sûr, au bord de la nazification purificatrice ! « L’idée de tests ADN obligatoires » commence Balladur : faux ! Jamais l’obligation n’a été inscrite dans l’amendement controversé.

La police politique en RDA
Pour les détracteurs qui admettent la liberté laissée aux demandeurs, une extrapolation sans appel cloue au pilori le projet : imaginer que l’administration propose ces tests (laquelle ne le ferait d’ailleurs que pour un immigré incapable de prouver par l’encre authentique sa filiation) et qu’elle essuie un refus, la suspicion l’inclinerait à refuser d’emblée le regroupement, peut-être même si, finalement, l’immigrant pouvait apporter la confirmation formelle de son lien. A ce titre, supposant la dérive haineuse de la machinerie publique, il conviendrait d’élargir l’interdiction d’usage à la preuve par la paperasse. En effet, songeons un instant à la criminelle utilisation du support papier qu’a faite la
Stasi de la RDA, avec ses millions de dossiers rédigés sur ses citoyens. Horreur et damnation : prohibons donc toute inclination paperassière étant donné les risques de fichage systématique de la population immigrée. La dérive de l’administration française nous guette…

Pas plus délirant que les extrapolations clamées par les prétendus parangons de la vertu républicaine. L’ADN, terreur en trois lettres lorsqu’on les rapproche du principe de filiation.

L’ambiance hexagonale serait donc à la multiplication des « rafles », au fichage des citoyens, à la propagande dangereuse, à la haine de l’étranger… L’apocalypse nationale menace, bonne gens, restez chez vous les volets clos…

Par postulat, on doit refuser de réfléchir sur l’utilité positive, dans l’accélération du traitement d’une demande, que pourrait favoriser la preuve biologique.

Amalgames par gesticulations, simplisme stigmatisant, opportunisme faussement humaniste : les doctes de la morale se sont engouffrés dans l’horreur fantasmagorique, pour cet amendement, de la sélection génétique. Et pas question d’aller regarder d’un peu plus près ce qui se pratique en Belgique, par exemple : depuis 2003, 2700 personnes ont pu, grâce à ce système, bénéficier du regroupement familial, contre 400 refus. Non, surtout pas ! Tout comme l’Angleterre, la Norvège et huit autre nations européennes : contrées vouées à l’eugénisme rampant, sans doute… et avec la bénédiction de la législation de l’Union.

Exemple même du matraquage idéologique qui s’enferme dans ses monomanies dénonciatrices sans, un instant, admettre qu’un outil scientifique puisse servir certains dossiers bloqués.

Conséquences de cet anathème, si l’amendement (remanié ou pas) n’est finalement pas adopté : tous ceux qui pourront arguer de papiers (là où se nicheraient l’affection, le vécu et la philosophie de la filiation) verront leur demande traitée ; tous les autres, victimes de pays incapables de fournir les sésames encrés, la France les laissera croupir dans l’incertitude, leur refusant l’ultime recours génétique, drapée dans l’implacable conviction de ceux qui claironneront qu’elle vient d’éviter à ces pauvres gens l’infamie d’une démarche scientifique qui certifierait leur filiation… biologique. Quelle horreur !

Post-scriptum : Juste après avoir publié ici ce coup de sang à rebours, je file acheter Le Monde Week End (mes lectures ne sont pas sectaires !). En première page, comme une nécessaire dramatisation, l'éditorial bis (le traditionnel est en page 2) du fraîchement nommé directeur Eric Fottorino: "Haine des autres, haine de soi". Comme une emphatique illustration de cette délirante campagne : "visage le plus inquiétant de la France", "acter que notre pays a fait litière de son histoire et de sa géographie au détriment des étrangers", "nier la différence des autres", "nier l'existence de cultures singulières", "tentative dommageable de tri dans les familles", "Il y a de la haine dans cette course à l'ADN", "préserver notre législation de repoussantes dérives". Si ce n'est pas de l'hystérie journalistique ça...

15 septembre 2007

Jacques Martin : en marge des moules

J. Martin - 1964
1er octobre 1964, à trente et un ans, l’animateur de
l’émission Chanson sur mesure décide de donner un coup de souffle à son temps d’antenne radiophonique en inventant le direct aérien. Il se lance à l’assaut du siège de Radio Luxembourg par la face Bayard. L’alpiniste urbain, suivi par son assistante et le réalisateur de l’émission, réalise l’exploit ascensionnel devant une foule de journalistes médusés. Voilà Jacques Martin, dans son éclatante folie maîtrisée.

Le cadavre-boom de cette année multiplie les rapts dans le monde des arts et du spectacle. L’animateur touche-à-tout constitue sa dernière prise.

Depuis presque dix ans, bien que retiré du petit écran, sa marque persiste tant par l’irrévérence pionnière dans ce média que par l’extrême maîtrise d’une animation multiforme, englobante, créative dans l’improvisation.
Sans être un féru des Grosses têtes de Bouvard, je ne pouvais qu’applaudir à la régénérante culture et aux fines férocités dont il savait faire montre.


L’aube Martin c’est un sens aigu de la troupe, en
poussant chacun de ses membres vers l’excellence de son art : le feu Desproges et l’encore vivace Prévost, bien sûr, pour l’inaltérable mécanique du rire ; l’explorateur des agrestes contrées, l’adorable Bonte et son sens humaniste pour révéler les gens simples dans leur touchante naïveté ; le croqueur d’actualité en montages dessinés, le rugueux Piem aux feuilles toujours en mouvement ; le complice premier (après Jean Yanne, tout de même), le bon copain encaisseur de vannes pour amuser le public, mais ne doutant jamais de son affection, l’attachant Collaro ; d’autres encore avec, à la baguette coordinatrice, un Martin au meilleur de son anticonformisme qui ne tiendra, malheureusement, que dix-huit mois cette émission.

Le zénith Martin tient, aux antipodes d’un Petit rapporteur sarcastique, d’avoir senti ce que la télévision du dimanche pouvait capter chez un peuple qui s’ennuie. Combien de fois, enfant et adolescent, débarquant au domicile de telle ou telle accointance scolaire, j’ai constaté l’omniprésence de l’infatigable animateur du jour du Seigneur, la télévision trônant au cœur de toute activité. Des générations de petites gens ont empli leur journée de repos du montreur de tous les arts doté, ce qui tend à se raréfier chez les pontes télévisuels du moment, de la crédibilité de l’honnête homme, celui qui laisse perler, sans l’once d’une infatuation, la finesse de son esprit et la solidité de sa culture.


Sans doute doit-on déplorer l’arrêt si rapide d’un trop dérangeant Petit Rapporteur au profit d’une plus mièvre Lorgnette, mais le talent de Jacques Martin ne pouvait se réduire aux rasades décapantes et ses propres impératifs économiques l’ont maintenu comme l’ordonnateur central du dimanche télévisuel.

Sa présence, son intelligence du moment à saisir, de la situation à exploiter, son brillant sens de la répartie et son sincère penchant pour le public a pérennisé son occupation dominicale, au point de s’ériger comme une institution du service public (maintenue aujourd’hui, sous une autre forme, par le professionnel Drucker).

Natif de Lyon, il savait cultiver une retenue qui décuplait l’effet de ses écarts à la convenance. Etre de bon aloi sans jamais être dupe du système dans lequel vous vous inscrivez : la clef d’une longévité télévisuelle sans lassitude (de part et d’autre) qui n’a pas altéré son appétit pour d’autres sphères (écriture, cinéma, mise en scène musicale…)

Le crépuscule Martin n’a malheureusement pas été décidé par l’éclectique personnage. Reclus par l’effet d’une paralysie partielle, lui le chantre de l’animation à l’étincelle sans temps mort du regard, il ne pouvait plus rien face aux ravages corporels.

L’écho d’une intarissable présence, celle qui vous apprend sur vous-même et sur le monde, se perpétue « sous nos applaudissements ». Lui qui parachevait la mise à l’honneur des autres, le voilà à jamais élevé chef d’orchestre de la télévision créative, celle qui nous manque tant.



03 septembre 2007

Vélo'vandales en Véliberté

Les grands médias se sont récemment enthousiasmés pour le Vélib’ à Paris alors que nous avons déjà largement entamé la troisième saison (mise en libre service le 19 mai 2005) des Vélo’v à Lyon.

Big Lutèce a-t-elle trouvé sa voie pour une décrue des quatre roues ? L’initiative du Tourangeau Jean-Claude Decaux (aujourd’hui de ses deux fils Jean-Charles et Jean-François) devrait réjouir tout être sensé. Ce grand industriel, qui fête ses soixante-dix ans cette année, n’en est pas à sa première grande inspiration : pionnier des Abribus avec placards publicitaires qu'il avait expérimentés avec succès à Lyon, avant d’étendre la recette à plus d’une quarantaine de pays.


Aujourd’hui, sans forcer qui que ce soit, JCDecaux offre simplement un déplacement doux et rapide, sans encombre et énervement. Offrir est le vocable adéquat à Lyon : cinq euros d’abonnement annuel (contre vingt-neuf à Paris !), voilà le coût du confort urbain. Sans doute quelques défauts émaillent le tableau : ainsi le retour de soirée avec l’impossibilité de dénicher une borne libre pour restituer sa monture chaînée ; idem pour certains départs qui se heurtent à des stations Vélo’v vides (Vélo'vides en abrégé) ou ne proposant plus qu’un vélo hors d’usage.

N’ayant jamais passé le permis de conduire par choix, je n’ai désormais quasiment plus besoin des transports en commun. Entre marche à pied et vélocipède, chacun de mes déplacements n’émet que quelques millilitres de saine sueur.


Evidemment, JCDecaux n’est pas un philanthrope désintéressé, mais sa négociation commerciale avec les mairies engagées a finalement facilité une quasi gratuité : encore mieux que les traditionnels services publics de transport pour les habitants valides et un chouia courageux. Au terme d’un contrat signé pour treize ans, le groupe industriel bénéficie de quelques centaines de supports publicitaires en ville, s’engageant en contrepartie à mettre à disposition et à entretenir un parc de vélos. Le capitalisme revêt ici les atours les plus séduisants pour le citoyen. Et pourtant…

Pourtant quelques individus non identifiés trouvent sans doute à y redire et prennent un abject plaisir à la destruction : chambres à air sorties des pneus et découpées, chaînes dégradées ou subtilisées, selles volées, pneus crevés, pièces diverses cassées, et même Vélo’v coupé en deux au niveau du tube central (vu dans le quartier La Guillotière) ! Voilà ce qu’on rencontre quotidiennement aux stations d’arrêt. Ne doutons pas un instant que d’autres vandales séviront (ou sévissent déjà) à Paris.


Pas nouveau, bien sûr, comme pratique : la dégradation du mobilier urbain a toujours excité des traîneurs de médiocres existences, mais ne jamais stigmatiser ces actes dégénérés revient à les accepter comme une part nécessaire de la vie en collectivité.

Ne doit-on pas dénoncer de temps en temps, sans en faire non plus un cataclysme, cette minorité agissante pour le mal commun qui conchie en permanence le contrat social et incline, au final, les électeurs à porter du sécuritaire au pouvoir ? Alors oui, pour une fois, le petit bout de la lorgnette doit mobiliser notre indignation. Ces petites crapules du quotidien, incapables d’un début de conscience du fonctionnement serein d’une société, s’adonnent au facile défoulement du « tous-responsables-sauf-moi ».


A la traîne de ces déviances destructrices, tous les comportements anodins à l’unité, mais qui participent à ce pernicieux principe de profiter sans se sentir redevable d’un quelconque respect envers les systèmes et biens communs. Nul besoin d’un catalogue d’exemples, chacun identifiera la foultitude des actes concernés.

Alors comment sanctionner ces vandales urbains ? Les prisons débordent et l’insolvabilité de la plupart des petites frappes rend vaines toutes représailles financières. Ne faudrait-il pas s’en prendre à leur psychologie primaire en leur imposant une humiliation publique ? Un coin des Etats-Unis oblige les petits délinquants à porter un écriteau sur la voie publique qui mentionne leurs méfaits… J’entends déjà sourdre les protestations des pseudo humanistes effarouchés ou des anti américains primaires. 

Face à l’impasse de notre panel répressif, il conviendrait peut-être d’expérimenter autre chose. Se contenter de protester en jugeant inconcevable une telle évolution de la sanction revient à un immobilisme de complaisance.

Je ne prétends à aucune vérité révélée, mais je ne m’interdis aucune piste de réflexion lorsqu’une société laisse perdurer ces géniteurs du moins bien, du plus laid, du moindre fonctionnement, du pire en extension. Exit les foireux dérisoires qui encombrent nos lieux de vie !



Cet article est également paru sur Agoravox
Pour voir le débat créé autour cliquez sur le mot "Agoravox" ci-dessus.

24 août 2007

Le talon de Big Sarko

L’abondance humaine à nouveau dans les artères, veines et capillaires lyonnais.

La présidence a repris (si elle l’avait jamais délaissé…) son rythme
 médiatique frénétique. Une flopée de réunions par-ci pour afficher la réactivité dans l’action, un enterrement par là pour la teinte d’humanité et d’émotion transpirante, quelques déclarations fracassantes, enfin, pour ne perdre ni la main, ni la parole.

Rendre compte de chaque battement de cil de l’«hyperprésident», pour reprendre le néologisme du Sert-à-rien général du PS, est devenu la spécialité de Big Média. Le Big Brother d’Orwell a donc tourné tous les feux de la rampe vers lui, au risque d’une saturation.

Pourtant, Big Sarkozy satisfait encore plus de 60 % de Français et cette base ne s’étiolera pas facilement pour l’analyste Pierre Giacometti : pas du soutien de dernière heure qui s’évapore au premier coup dur politique, à la première grogne sociale.
Son talon compensé d’Achille ne doit pourtant pas être minoré : la surmédiatisation en fait la première cible pour une opposition qui se cherche encore.

Même l‘agité fringuant Chirac, en 1995, savait se ménager des retraits et laisser son Juppé de Premier ministre assumer le charbon de la politique gouvernementale. Ici, dans cette neuvième mandature présidentielle, l’Elysée préserve de fait Matignon qui accomplit dans la discrétion les projets claironnés avant le six mai.

Comment juger, alors, le traitement médiatique des actions et prises de position du nouveau président ? Sans aller jusqu’à la complaisance, peut-on évoquer une prédisposition favorable du corps majeur de Big Média qui ne laisse émerger que de rares appendices hérissés contre ce réflexe pavlovien ?

L’esprit féru de liens, de parallèles à établir, pourrait tenter de lancer
 une passerelle vers les années Balladur, 1993-1995, alors puissant Premier ministre cohabitationniste, soutenu par l’ambitieux Nicolas Sarkozy, qui s’accordait une lune de miel prolongée avec les journalistes, au point de croire (grâce aussi au fortifiant sondagier, convenons-en) à son destin présidentiel. Le diapason peuple-média ne résistera pas à l’échéance électorale, l’Edouard majestueux, gélifié dans ses convenances désuètes, ne collant plus à l’aspiration populaire d’un renouveau dynamique au revigorant goût de pomme verte.

Big Sarkozy a donc surpassé son maître d’alors, Sage de Matignon, en offrant son activisme à cette caisse de résonance jusqu’à présent bienveillante et en phase avec l’attente majoritaire.

L’onde néfaste, marquant le retournement de l’opinion, devrait se renforcer si le dynamisme déployé est en décalage avec les résultats ou le sentiment de résultats obtenus. Un agacement se propagera chez le peuple amnésique, friand de têtes de Turc déresponsabilisantes, et Big Média emboîtera le pas face à l’incontournable vague désapprobatrice. A moins qu’un scandale, une affaire impliquant l’Elysée ne ragaillardisse le microcosme médiatique enclin à brûler ses idoles.

La France anti Big Sarko tiendra alors sa revanche, se cherchant pourtant toujours un leader naturel crédible.

Scénette ordinaire de la vie politique française qui masque les pôles réels d’influence sur la conjoncture nationale, sujet ô combien moins sexy que le bourrelet du chef d’Etat effacé en exclusivité pour Paris Match...

Cet article est également paru sur Agoravox

04 août 2007

Ouvrez, ouvrez la cage au Serrault !

Depuis un reposant espace ombragé du parc tête d’Or à Lyon.

Voilà bien longtemps que je n’avais englouti si vite un bouquin. Le décès de Serrault a détoné en moi jusqu’à rendre indispensable de retrouver son autobiographie enserrée depuis quelques années sur une étagère de bibliothèque.

Pas un chef d’œuvre de style le …Vous avez dit Serrault ?, pas ce que j’espérais d’ailleurs, mais l’authentique témoignage d’un grand saltimbanque.

Glouton à faire filer les pages pour que revive densément le clown imprévisible aux planches explosives : son enfance truffée de turbulences qui prédestinaient l’insatiable garçon ; l’amorce religieuse dont il gardera une humanité sans détour, presque outrancière ; ses débuts d’artiste avec sketches enchaînés et nuits blanches frénétiques ; l’évidence essentielle de ses deux Rencontres, Nita l’amour d’une vie, Jean l’amitié cardinale ; sa conception du métier d’artiste, naturel et liberté talentueuse, un peu à la façon du style littéraire d’un Léautaud qu’il incarna gouailleur et tranchant à souhait ; son ancrage au cinéma et son enclin pour les personnages ambivalents.

Poiret-Serrault
Occasion de retrouver la si attachante galerie des acteurs et comédiens comiques, ceux qui ont distrait mes sombres années tiraillées. Leurs films me dispensaient d’une quelconque prise de psychotropes : les 90 ou 120 minutes de baume dopant suffisaient pour se colleter aux tracas quotidiens et aux trognes persistantes. L’implacable bonhomie de Blier, l’indomptable furie de Louis de Funès, les envolées foudroyantes de Francis Blanche, la frénésie inventive de Darry Cowl, la victimisation rigolarde de Carmet, les bougonnements ravageurs de Jean Yann, les sursauts pétaradants de Prévost et, bien sûr, la maximalisation géniale du pince-sans-rire de Poiret : univers revigorant du plus attachant et déconneur de tous, l’ami Serrault, ange rieur de l’humanité.

Il a su cultiver et propager l’irrévérence et le sens de l’absurde. Son physique ordinaire permettait d’animer sans fausse note les plus antagonistes caractères et dévoilait une singularité attrayante de l’âme. Sa dextérité à improviser au théâtre, pour extraire la plus enivrante des folies en cohérence avec l’instant, pousser un peu plus loin la scrutation des délires humains, irradiait les œuvres mises en scène.

Serrault - de Funès

Serrault, une fresque humaine : l’abject Rico, meneur de ces putains de hooligans franchouillards, qui aurait écrasé la tronche du gentil clochard de La Belle Américaine s’il avait soutenu l’arbitre ; les crises savoureuses d’Albin, alias Zaza Napoli, hurlant sa détresse à l’oreille alerte du bienheureux Louis Martinet, avant de courir à sa perte, se croyant désiré par l’infâme Marcel Petiot ; le sombre docteur aurait été le pire des compagnons de cellule pour le condescendant Martinaud sous étude tyrannique du flic soupçonneux ; le curieux libraire Rondin des Gaspards aurait-il pu côtoyer l’amer Arnaud, n’aurait-il pas préféré se rapprocher de l’infréquentable Albert le Cagneux des Assassins et Voleurs?

Ne pas répondre, surtout pas : la magie Serrault tient dans l’ambiguïté de ses interprétations, celle qui magnifie les œuvres et, souvent, explore nos perditions profondes et nos potentielles folies.



25 juillet 2007

Les rots du roman

Décidément, pas le pied marin pour un brin d’écume. Ile de Sein sous toutes les coutures : pour y accéder et en revenir, passage obligé sur le Biniou II aux mouvements propices à la nausée. Du léger mieux au retour.

Ile modeste : un cœur de village qui vivote, se meurt par endroit. De mille cinq cents âmes au début du vingtième siècle, à un peu plus de deux cents aujourd’hui. Tour de son rivage dentelé suivi de ses voies pédestres improvisées, farniente sur son unique plage sablée. Du bon temps, mais sans aucun sentiment d’envie de la vie des insulaires.



Plateforme
de Houellebecq achevé. De très justes remarques sur le sexe, et notamment cette incapacité à faire don du plaisir.

Deux pages d’une violence inouïe contre la religion musulmane qui aurait dû lui valoir une fatwa en bonne et due forme : « Depuis l’apparition de l’islam, plus rien. Le néant intellectuel absolu, le vide total. Nous sommes devenus un pays [l’Egypte] de mendiants pouilleux. Des mendiants pleins de poux, voilà ce que nous sommes. Racaille, racaille !... ». (Sarkozy avait-il plongé dans Houellebecq avant ses déclarations sur les cités à nettoyer?) Et pas mieux sur les musulmanes : « Des gros tas de graisse informes qui se dissimulent sous des torchons ».

Il paraît que les interviews et déclarations de l’auteur de ces lignes (après un entretien fracassant au magazine Lire) alambiquaient suffisamment ses positions dites réelles pour éviter sa mise en danger. Le roman peut vraiment devenir le genre littéraire des lâches qui n’assument pas pleinement leurs opinions tranchées.

Michel Houellebecq
Comment croire un instant que ces développements incendiaires contre les méfaits de l’islam, simplement parce qu’ils sont attribués, sous la forme d’un long monologue, à un personnage fictif, ne reflètent pas l’intime conviction du concepteur ? Travers du roman qui est déclaré soit simplement distractif, évasion baveuse avec la médiocre vie par procuration offerte aux lecteurs, soit à thèmes réfléchis mais qui n’appartiennent surtout pas à l’auteur lui-même. Un trompe l’œil hypocrite qui permet tous les excès qu’auteurs et lecteurs de ce genre sont les premiers à considérer comme intolérables, indignes de la littérature, dérisoires car extrêmes, lorsqu’ils forment un pamphlet.

Même chose pour le Journal : faites figurer des insignifiances, des fadaises, du détail inutile dans un roman, et la transcendance fictionnelle sublimera et justifiera tout. Faites de même comme diariste et vous n’aurez que les foudres méprisantes de ce beau monde littéraire qui protège jusqu’à la mauvaise foi sa poule romancière aux crottes d’or.

Il faudrait un jour purger l’univers des lettres de cette enflure disproportionnée qui lamine les autres branches de la littérature.

21 juin 2007

Sarkozy élyséen et Royal(e) alcôve

Les sphères du pouvoir politico-médiatiques se sont ébrouées pour le plus puissant impact. Lorsque le premier des politiques invite à l’Elysée le premier des médias, tranchant en cela avec le conventionnel entretien partagé entre France Télévision et TF1, cela incite à aiguiser son sens critique pour passer au-delà du contentement réciproque affiché.

Certes, Poivre d’Arvor tente quelques taquineries ad hominem, sans doute, Claire Chazal aurait-elle souhaité se lancer dans de plus mordantes interrogations, mais la petite musique de cet échange convenu ne dépareillait pas de l’usage habituel des interventions présidentielles à la télévision.

L’allant, le volontarisme, la combativité venaient uniquement de Sarkozy, parfaitement à l’aise avec ses deux faire-valoir journalistiques. Doit-on mettre cela sur le bénéfice du doute accordé à un président qui va enfin pouvoir s’adonner à l’action réformatrice du pays ? Rien de plus normal alors... Les mois passants, nous pourrons apprécier si la tonalité journalistique rappelle toujours les belles heures de Michel Droit face à de Gaulle. Le rajeunissement d’une pratique du pouvoir ne doit pas leurrer sur le filigrane réflexe d’être le mieux servi par ceux auxquels vous réservez vos apparitions. De la télévision étatiquement contrôlée, nous sommes désormais pleinement passé au média privé économiquement bénéficiaire de sa complaisance sous-jacente. On titille pour la forme, laissant les attaques de fond à la presse, à l’impact bien plus circonscrit.


Pour le reste, rien de nouveau puisque tout gravite autour d’un programme présidentiel suffisamment claironné et légitimé (ou tout du moins légalisé) par le scrutin.

Face à ce rouleau pourfendeur légèrement freiné par le résultat victorieux, mais pas triomphant, des législatives, le feuilleton socialo-royaliste a rajouté un acte vaudevillesque avec chambres à part et cornes en guise de couronne. D’une vraie-fausse victoire socialiste, la soirée des dépouillements électoraux a très vite résonné des épuisements de l’alcôve chez la rose bicéphale. Même Feydeau n’eut pas osé cette culbute événementielle. Rien pour rassurer sur la crédibilité d’une rénovation annoncée de la gauche. On savait cette dernière obsédée par les questions de personnes, quitte à s’obstiner à l’individualisme suicidaire (l’extrême gauche se hissant comme parangon dans cette pratique) ; on découvre son principal parti dirigé ou inspiré par une détonante proximité tête-cœur dans ce qu’il a de plus aléatoire.

Apprendre, enfin, que la candidate a porté des propositions auxquelles elle ne croyait pas, dans une posture électorale mensongère sur de symboliques mesures (Smic à 1500 euros brut et 35 heures généralisées), achève le tableau apocalyptique du socialisme version Ségolène.

A suivre avec délectation et en fanfare !

06 juin 2007

Altermondialisme : l'idéologie de l'autruche

Heiligendamm, comme hôte des huit premières puissances économiques, s’inscrira peut-être comme l’amorce historique, mais sans doute inutile, d’un changement de la gouvernance américaine à l’égard de l’environnement. Que le système d’échanges frénétiques intègre ce paramètre constitue en soi une avancée notable.

A des lieues de cette nouveauté résonneront les protestations et revendications d’altermondialistes pour qui l’intolérable s’accroît les années de bénéfices passant.

A interroger nombre d’entre eux sur la cohérence de leur virulence à l’égard de systèmes historiquement plus néfastes, le malaise pointe rapidement. Pourquoi, à l’époque du communisme triomphant, du collectivisme achevé, ne trouvait-on aucun esprit de similaire mouvance idéologique qui dénonçât ces abus criminels ? Aucun des génocides sociaux engendrés par l’application de ces théories n’a sensibilisé leurs pairs.

Après quatre-vingts années d’idéologie communiste, qui n’avait comme objectif, dans sa rivalité avec la pratique libérale à l’Ouest, que de montrer sa supériorité dans l’activité économique (au point d’affamer ses peuples), la vacuité de son application l’a fait s’effondrer sur elle-même, laissant quelques dizaines de millions de cadavres en héritage.

Que reprochent les altermondialistes au système économique restant, qu’ils qualifient volontiers de sauvage, de déchaîné, d’ultra… et pourquoi pas d’intégrisme libéral ? Quelques ouvrages et déclarations ont, d’ailleurs, osé détourner, sans conscience de l’infamie, des vocables réservés jusqu’alors aux pays privés de liberté, pour les accoler au libéralisme. Ainsi « La dictature libérale » de Rufin ou « le capitalisme totalitaire » de Séguin. C’est, en effet, cette ignoble pratique économique qui a permis à l’Allemagne de l’Ouest d’injecter quelque 765 milliards d’euros dans la partie Est, avec ses quinze millions d’habitants, parmi lesquels certains trouvaient encore à se plaindre de ne plus avoir leur misérable emploi à vie, n’admettant pas que liberté rime avec responsabilité.

Sans doute le libéralisme n’a pas, intrinsèquement, de vocation humaniste, mais quelle pratique organisationnelle viable peut l’avoir ? L’histoire a définitivement disqualifié les idéologies aux intentions généreuses qui doivent compter avec la nature fondamentale de l’être humain.

Ce qui effraye les altermondialistes, qui, curieusement, arrivent souvent de pays déjà développés, c’est sans doute de constater qu’un groupe indien (par sa nationalité seulement, sans doute, mais c’est l’impact psychologique qui compte) a pu se payer l’européen Arcelor, et donner ainsi naissance au premier groupe sidérurgique mondial ou que le géant minier brésilien CVRD se soit emparé du Canadien Inco. Onze mois après cette fusion, la réussite du projet a fait gagner soixante pour cent au titre (une horreur pour les altermondialistes).

Ce qui navre les défenseurs d’une autre mondialisation, qui ne pourrait se faire que dans un autre univers que celui de l’être humain, c’est d’admettre ce qu’a pu en retirer le Brésil qui devient la dixième économie mondiale. En 2050, avec ce système injuste, 77% du PIB mondial proviendra des pays émergents alors qu’en 1975 les pays développés accaparaient 66,4% de la richesse produite. Et l’on en trouve encore pour prétendre que la mondialisation libérale dessert les plus pauvres.

La vraie question à se poser est celle de la stabilité politique et de la pérennité d’un état de droit. La tragédie africaine n’est en aucun cas due à la sauvagerie des règles économiques (sinon l’Afrique du Sud serait, depuis longtemps, dans le chaos) mais découle directement du cynisme politique d’autocrates entretenus, d’affrontements sanglants pour l’obtention du pouvoir sur la terre, de la lutte à mort pour imposer son idéologie. Un exemple frappant ? La République démocratique du Congo : après quarante ans de joug dictatorial et de désespérantes guerres civiles, le modèle démocratique a fini par triompher, portant au pouvoir un président élu. Résultat : plus de 6,5% de croissance pour 2006. Et même lorsque le pays n’a pas de ressources propres à forte valeur ajoutée, comme les hydrocarbures, la qualité de son régime et de ses pratiques politiques servent le développement d’une économie libérée.

Alors, sans doute, me renverra-t-on les pauvres toujours plus nombreux, les riches encore plus voraces, et le système de plus en plus inégalitaire. La malhonnêteté de certains doctrinaires de l’altermondialisme consiste à balancer quelques chiffres bruts, sans aucune comparaison historique qui permettrait de se poser les bonnes questions. Qu’il y ait plus de pauvres aujourd’hui qu’il y a cinquante ans, en valeur brute, c’est indubitable, mais en pourcentage respectif de la population à chaque époque ?

On reproche au système libéral de ne faire aucune place à la protection des individus les plus faibles. Là encore l’agitation altermondialiste oscille entre l’inculture confortable et l’hypocrite négation de quelques réalités historiques.

Prenons le cas français : le 22 mars 1841, donc bien avant la vague idéologique rouge, le libéral François Guizot, qui a encouragé la grande bourgeoisie capitaliste à la prospérité par le travail et l’épargne, fait voter une loi pour limiter le travail des enfants à l’usine. Un début timide, certes, mal appliqué, convenons-en, mais la première marche du progrès social scellée par cet adepte d’un « libéralisme éclairé, surveillé ».

Autre idée reçue : le syndicalisme serait l’initiative première d’esprits de gauche. L’histoire, encore, dément : le libéral Emile Ollivier parvient à faire adopter la loi du 25 mai 1864 qui légalise le droit de grève (lesquelles grèves augmenteront de 37,5% par rapport à l’année précédente, ce qui confirmera la nécessité de cette avancée) sous conditions qui paraissent, aujourd’hui encore, d’une sagesse moderne : pas de violence ni d’atteinte à la liberté du travail (ce qui ne plaira pas aux jusqu’aux boutistes partisans des piques pour les têtes patronales). Vingt ans plus tard, le libéral Waldeck-Rousseau attribue la personnalité civile aux syndicats. Effet spectaculaire : plus 650% de syndiqués en moins de dix ans.

Pour parachever la démolition des idées reçues dans la répartition caricaturale de la paternité du progrès social, une question : pourquoi sont-ce dans les pays qui n’ont pas eu à connaître l’activisme communiste que le syndicalisme est le plus ancré et pratiqué, et donc le plus puissant ?
La mauvaise foi des altermondialistes, autruches idéologiques, ne prenant pas en compte les réalités du fonctionnement humain, rappelle les entêtements communistes au vingtième siècle. Ainsi, à la fin des années cinquante et au début des années soixante, alors que l’économie des pays de l’Ouest profite d’un essor exceptionnel qui permettra à la classe ouvrière d’accéder à l’aisance moderne, les communistes théorisent autour de la « paupérisation absolue » des ouvriers dans nos contrées. Quel aplomb dérisoire lorsqu’on sait ce qui se passait pour les peuples de l’autre côté du rideau de fer…

Sans doute faut-il réglementer davantage, encadrer un peu plus la mondialisation actuelle ; mais cela ne peut s’allier avec la rupture idéologiques d’altermondialistes qui reproduisent les schémas de ce qui a déjà, et criminellement, échoué.

Cet article est également paru sur Agoravox

01 juin 2007

Christ à croquer

Me voilà, comme un bon chrétien que je ne suis pas, debout, au fond de la jolie petite église de LB, pour une communion. Bondée, l’antre religieuse, estivales les tenues, et une jeune femme à la robe aguicheuse qui lit les paroles d’un apôtre : notamment « la chair s’oppose à l’esprit ». Pour le moins risible, mais in petto, chut…Familles, amis, accointances : tous en rangs serrés pour ces petits communiants dont on peut douter de l’authenticité de l’engagement. Entre habitude sociale et folklore, je n’arrive pas à adhérer à ces pompeuses déclarations.

Qui, ici, fait réellement attention au contenu du message ? Si, tout de même : un suivi unanime (sauf pour ceux qui n’ont pas trouvé de place) aux ordres de se lever et de s’asseoir.

La métaphore obscène qui justifie le rite : « recevoir le corps de dieu en soi » ! Un programme non charnel, bien sûr. Les paroles du prêtre raisonnent ici, et légitime cette communion, avec une suite d’explications effarantes, et qui fonctionnent encore.

Le béni oui-oui excuserait tous les massacres, toutes les dérives passées… Toutes ces fois au nom d’un postulat de vie supérieure et, bien sûr, dieu innocent et les hommes coupables !

Pitrerie de l’esprit sans une once de distance avec les élucubrations assénées. Démonstration éclatante, sous couvert d’un message prétendu d’amour, d’un système manipulatoire où le confort de l’esprit consiste à pouvoir tout expliquer, tout justifier, alors que nous ne sommes qu’à l’âge primaire de la compréhension du monde. La fiction, voilà ce qui conduit tous ces systèmes rivaux. Et les antiennes enflent grâce au cadre matériel, et le grégarisme fait son œuvre.

Décidément, que ce soit dans ses manifestations ludiques ou vaguement spirituelles, l’humanité en bandes m’effraie. Rien ne pourra vraiment évoluer, au sens d’un changement d’ère humaine, tant que ces religions auront une place autre qu’une curiosité muséologique, à la manière des mythologies grecque et romaine.

La clochette du prêtre rythme le cirque eucharistique… Et cette assemblée en chœur, qui recèle toutes les trahisons, les coups fourrés, les médiocrités rampantes, les excuses vaseuses, représente toute la contradiction humaine, rarement capable d’assumer une ligne de conduite cohérente. Tout cela glisse, et la poussière, nullement divine, recouvrira l’ensemble de ces fariboles d’apparat.

A noter que ces lignes ont été largement inspirées par la coloration intégriste qui officie ici. Amen.