23 décembre 2009

L'Atterrant Sommet


Le gouffre de Copenhague est désormais une réalité tangible, turgide jusqu’à la désespérance des citoyens. Cirque onéreux où chacun aura paradé pour Sa bonne cause, estimant illégitime celle du voisin planétaire. A ne rien édifier, y compris dans la sphère symbolique des décisions d’intentions, les dirigeants ont paumé le tout petit reste d’attention que leur portait un public multiforme et inconciliable.


Ce que les peuples ne peuvent réaliser, c’est normalement aux politiques en responsabilité d’y parvenir, quitte à mordre sur les intérêts nationaux respectifs. Oublié le dessein catalyseur pour esquisser une voie motivante dans l’alternative de crise. Nous resterons bien calés dans la bourbe à vivoter, se persuadant que les catastrophes climatiques s’abattront sur de lointains congénères ou de très tardives descendances. Pas de quoi essuyer une larme, ni motiver pour remettre en cause des conforts acquis ou convoités. 


Myopie politique qui sonnera comme un infâme Munich environnemental si aucun sursaut n’en émerge dans l’année à venir. Copenhague deviendrait, en cas de léthargie confirmée, la ville de naissance d’un monde bipolaire dominé par la Chine et les USA que seule la certitude d’accaparer, d’exploiter et d’épuiser captivera efficacement. Ronds de jambe et tronches en cul de poule pour le reste.


Face à ce que certains scientifiques alarmistes redoutent à l’échelle du Monde, l’éparpillement des nations sonne comme un archaïsme paralysant.


L’ONU n’est rien d’autre qu’une SDN maintenue dans ses institutions par la seule absence de guerre généralisée depuis plus de soixante ans. Une survie de circonstances donc, rien de plus.


Une gouvernance mondiale réelle ne résoudrait rien, au contraire : les risques d’une guerre civile, entre les zones possédantes et celles voulant posséder, se multiplieraient. A la faillite décisionnelle des chefs d’Etat fondus dans un ensemble unique, succèderait l’édifiante tragédie d’un peuple mondial factice, gigantesque dépotoir des haines revanchardes et des égoïsmes sanguinaires. Rien à tirer… sauf dans le tas !


Souffreteuse trêve des confiseurs, en attendant…

06 décembre 2009

Pas de pot pour s'échapper

Lyon la lumineuse m’accueille depuis dix ans cette année. Au départ, prétexte sentimental pour rejoindre une belle en cheveux, elle s’incarne depuis ville d’ancrage. A la dimension idéale pour que seuls les panards et une draisienne améliorée se chargent de mes déplacements. Pas un pet de dioxyde de carbone, donc ! Mon Copenhague à moi, quotidien, c’est l’éclairée Lugdunum. Eh tant pis si je n’ai pas la conversation exotique, comme ceux tout contents de leurs anecdotes lointaines souvent aspirées pour combler un vide de proximité, un néant intime. A la fournaise ces bavardages accessoires !

L’hérésie contemporaine, c’est de ne surtout pas vouloir bouger. Le déplacement vaudrait existence. J’y consens quelquefois, pour mes affections familiales, mais sans baver devant les contrées lointaines. Se nourrir de ce qui est à portée, sans lorgner ce qui implique la frénétique gesticulation spatiale… comme un ballet de l’inutile : le contentement de soi par la projection systématique dans l’ailleurs.


Le temps avance nécessairement, implacablement. Pourquoi lui surajouter cette obsession de la mobilité ? Notre voyage dans le temps, au rythme de chaque seconde, de chaque jour valant bientôt des secondes et des semaines équivalant des jours, dans notre perception évolutive, est la plus dépaysante, la plus profonde et captivante des découvertes. Je m’en repais sans retenue, et surtout sans chercher à l’occulter par des parcours fumeux aux quatre coins d’une planète envahie par ces visiteurs bruyants qui croient ainsi se détourner du temps qui passe.


La Terre se réchaufferait par les rots de nos viandes sur pattes et par l’errance d’une humanité-touriste, curieuse de tout et surtout de ce qui lui est apparemment le plus inaccessible. Paradoxe poétique : l’énergie fossilisée, la quintessence de l’immobilisme dans les entrailles terrestres, lui permet de revendiquer comme une liberté première, peut-être même avant celle de penser, la liberté d’aller là où ça lui chante ! Claironnons ensemble cet inaltérable penchant à l’échange mondialisé, surtout sans réfléchir aux quelques absurdes déplacements engendrés. Pas correct, pas dans le sens de l’évolution…


Par quel sophisme l’humanité a-t-elle cru que son évolution temporelle, un mieux-être donc, passait sans conteste possible par des évolutions spatiales pour tout : son pain, ses loisirs, son travail et ses vacances… tout à la même enseigne ? Move ta carcasse et tu seras évolué, mon fils !
Voyez la réaction de l’automobiliste qu’on tente de culpabiliser : « Mais je ne peux pas faire autrement ! » C’est bien là l’os, les choix initiaux d’une civilisation qui a progressivement contraint l’individu à se déplacer en subissant la surcharge par la présence de tous les autres contraints


Au bout du chemin de croix m’attend un être aimé, une grand-mère qui n’a plus que les pensées de ses proches pour se déplacer, mais c’est le plus enivrant des voyages, bien au-delà du temps, de l’espace et du pot d’échappement… à soi-même. Il n’est plus l’heure des leurres, à Copenhague, à Lyon et partout sur la Terre.


Article paru sur le site du journal Le Monde