03 septembre 2007

Vélo'vandales en Véliberté

Les grands médias se sont récemment enthousiasmés pour le Vélib’ à Paris alors que nous avons déjà largement entamé la troisième saison (mise en libre service le 19 mai 2005) des Vélo’v à Lyon.

Big Lutèce a-t-elle trouvé sa voie pour une décrue des quatre roues ? L’initiative du Tourangeau Jean-Claude Decaux (aujourd’hui de ses deux fils Jean-Charles et Jean-François) devrait réjouir tout être sensé. Ce grand industriel, qui fête ses soixante-dix ans cette année, n’en est pas à sa première grande inspiration : pionnier des Abribus avec placards publicitaires qu'il avait expérimentés avec succès à Lyon, avant d’étendre la recette à plus d’une quarantaine de pays.


Aujourd’hui, sans forcer qui que ce soit, JCDecaux offre simplement un déplacement doux et rapide, sans encombre et énervement. Offrir est le vocable adéquat à Lyon : cinq euros d’abonnement annuel (contre vingt-neuf à Paris !), voilà le coût du confort urbain. Sans doute quelques défauts émaillent le tableau : ainsi le retour de soirée avec l’impossibilité de dénicher une borne libre pour restituer sa monture chaînée ; idem pour certains départs qui se heurtent à des stations Vélo’v vides (Vélo'vides en abrégé) ou ne proposant plus qu’un vélo hors d’usage.

N’ayant jamais passé le permis de conduire par choix, je n’ai désormais quasiment plus besoin des transports en commun. Entre marche à pied et vélocipède, chacun de mes déplacements n’émet que quelques millilitres de saine sueur.


Evidemment, JCDecaux n’est pas un philanthrope désintéressé, mais sa négociation commerciale avec les mairies engagées a finalement facilité une quasi gratuité : encore mieux que les traditionnels services publics de transport pour les habitants valides et un chouia courageux. Au terme d’un contrat signé pour treize ans, le groupe industriel bénéficie de quelques centaines de supports publicitaires en ville, s’engageant en contrepartie à mettre à disposition et à entretenir un parc de vélos. Le capitalisme revêt ici les atours les plus séduisants pour le citoyen. Et pourtant…

Pourtant quelques individus non identifiés trouvent sans doute à y redire et prennent un abject plaisir à la destruction : chambres à air sorties des pneus et découpées, chaînes dégradées ou subtilisées, selles volées, pneus crevés, pièces diverses cassées, et même Vélo’v coupé en deux au niveau du tube central (vu dans le quartier La Guillotière) ! Voilà ce qu’on rencontre quotidiennement aux stations d’arrêt. Ne doutons pas un instant que d’autres vandales séviront (ou sévissent déjà) à Paris.


Pas nouveau, bien sûr, comme pratique : la dégradation du mobilier urbain a toujours excité des traîneurs de médiocres existences, mais ne jamais stigmatiser ces actes dégénérés revient à les accepter comme une part nécessaire de la vie en collectivité.

Ne doit-on pas dénoncer de temps en temps, sans en faire non plus un cataclysme, cette minorité agissante pour le mal commun qui conchie en permanence le contrat social et incline, au final, les électeurs à porter du sécuritaire au pouvoir ? Alors oui, pour une fois, le petit bout de la lorgnette doit mobiliser notre indignation. Ces petites crapules du quotidien, incapables d’un début de conscience du fonctionnement serein d’une société, s’adonnent au facile défoulement du « tous-responsables-sauf-moi ».


A la traîne de ces déviances destructrices, tous les comportements anodins à l’unité, mais qui participent à ce pernicieux principe de profiter sans se sentir redevable d’un quelconque respect envers les systèmes et biens communs. Nul besoin d’un catalogue d’exemples, chacun identifiera la foultitude des actes concernés.

Alors comment sanctionner ces vandales urbains ? Les prisons débordent et l’insolvabilité de la plupart des petites frappes rend vaines toutes représailles financières. Ne faudrait-il pas s’en prendre à leur psychologie primaire en leur imposant une humiliation publique ? Un coin des Etats-Unis oblige les petits délinquants à porter un écriteau sur la voie publique qui mentionne leurs méfaits… J’entends déjà sourdre les protestations des pseudo humanistes effarouchés ou des anti américains primaires. 

Face à l’impasse de notre panel répressif, il conviendrait peut-être d’expérimenter autre chose. Se contenter de protester en jugeant inconcevable une telle évolution de la sanction revient à un immobilisme de complaisance.

Je ne prétends à aucune vérité révélée, mais je ne m’interdis aucune piste de réflexion lorsqu’une société laisse perdurer ces géniteurs du moins bien, du plus laid, du moindre fonctionnement, du pire en extension. Exit les foireux dérisoires qui encombrent nos lieux de vie !



Cet article est également paru sur Agoravox
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6 commentaires:

Unknown a dit…

en fait tu utilise le sujet Vélov' pour traiter des dégradations urbaines...
Tu sembles attribuer ces dernières à une seule catégorie de population. La vérité est plus complexe. Ce sont parfois les memes que l'on voit raler contre l'insécurité et ne pas respecter le bien public.
En voyant la photo de la chaine de vélo je me dis : elle s'est cassée pendant l'utilisation et l'emprunteur a du pousser son vélo.

Quant à sanction que tu proposes : "s'en prendre à leur psychologie primaire", je me demande si ce n'est pas toi qui deviens un peu primaire là.

L'humiliation n'a jamais aidé à regretter; elle révolte, c'est pire.

La loi française est bien faite pour cela : les TIG, travaux d'interet général. Permettant une juste réparation du tord causé à la société.

Loïc Decrauze a dit…

Pour répondre :

Me soupçonner d'attribuer ces méfaits à une seule "catégorie de population" (et d'ailleurs laquelle : sociale ? ethnique ? raciale ?) est du pur fantasme, au mieux ou du procès d'intention au pire. Jamais cela ne transparaît dans mon article. Je n'exclus aucun type de personne et pour cause : je n'en ai jamais pris sur le fait.

Pour la chaîne de vélo... pourquoi pas, mais j'en croise souvent ainsi, ce qui me semble plus suspect. Et encore plus douteux lorsque la châine a carrément disparu ! Soyons sérieux : pour un cas accidentel il y en a 99 issu directement du vandalisme. Ne pas se rendre à l'évidence me semble d'une complaisance ou d'une naïveté inquiétante.

Pour "la psychologie primaire" je paraphe et contresigne, et je me trouve même trop gentil. Quelle bestialité crétine il faut charrier pour s'adonner à la destruction gratuite. Je n'éprouve aucune compassion pour les actants de ces désespérantes débilités.

La loi française est bien faite ? En effet, elle n'a pas permis d'enrayer ce phénomène, bien au contraire. D'où les pistes de réflexion que je lance, sans tabou. Avant d'affirmer que l'humiliation (appliquée avec mesure et avec une échelle nette selon la gravité des actes)révolte, il faudrait l'essayer : il ne me semble pas que le cas cité pour les Etats-Unis ait abouti au chaos total...

Anonyme a dit…

Plutôt que stigmatiser les seuls petits casseurs, il aurait été intéressant de pointer les abus de la société Decaux qui a profité d'énormes privilèges monopolistiques sur des durées contractuelles anormales. C'est du moins ce qui a parfois été pointé par certains journaux d'investigation (dont on manque cruellement aujourd'hui au profit d'une clinquante pseudo-actualité) .

Pots de vins (dès l'époque de la marie de Paris sous Chirac) contre micro-délinquance, qu'est-ce qui est le plus répréhensible ? C'est frai que c'est plus facile de tirer sur la partie visible de l'iceberg... Et puis, c'est dans l'air du temps...

Loïc Decrauze a dit…

Quel bien curieux raisonnement vous faites Anasthasie : au nom de soupçons de privilèges qu'aurait eu la société Decaux il faudrait se taire sur ces tarés destructeurs ? Totalement absurde. Parce que, dans le passé et sous réserve d'en avoir la preuve, cette société aurait bénéficié de passe-droit, je ne pourrais saluer son initiative ? Dérisoire sectarisme !

Peu importe l'air du temps, moi je dénonce ces petites frappes de la destruction quotidienne depuis 1991 (cf. mon Blog de cette année), quand ça n'était pas encore dans le vent de tenir ces positions.

Quant à ne tirer que sur la partir émergée de l'iceberg, encore une fois votre vue est à portée limitée : pas parce que je dénonce ce qui incommode tous les utilisateurs de Vélo'v ou Vélib' que, dans un autre écrit, je ne pourrais stigmatiser les affaires politico-affairistes, les milieux financiers interlopes... Encore une façon de jauger mon engagement avec des oeillères à double couche.

Merci, cependant, d'avoir réagi à cet article, et bien à vous.

Anonyme a dit…

Certes,certes, mais les dépradations faisaient partie du cahier des charges, je l'ai entendu aux infos lors du lancement sur Paris. Mais avec une société qui se paupérise, le système fabrique sa "racaille" et risque de l'accroître dangeureusement. Où en est-on de l'éradication des grands ensembles où semblent pousser vos petites frappes. Aucune vrai mesure depuis l'embrasement des banlieues. Doit bien y avoir un problème, non ? Vélib dans un cadre agréable pour les un, zones de désolation oubliées des pouvoirs publics pour les autres... Vous avez toutefois raison de militer pour la préservation du bien collectif. Mais qu'elles bonnes solutions autres que l'humiliation, source de haines durables ?
Seriez-vous partisan d'emplois mal-payés de gardien au pied des stations Vélib ? De quoi occuper les sauvageons... On pourrait aussi récupérer auprès d'une certaine Mairie UMP le fameux produit à repousser les gueux hors de la ville (actualité récente) - ou sa variante anti"tarés destructeurs" - et saupouder les zones de parking ... Ou encore continuer à multiplier les caméras de surveillance... Et pourquoi pas obliger les chaînes de TV à supprimer toute cette violence gratuite et ambiante qui éduque toute une jeunesse et finit par réveiller les bas insctincts d'une société qui se croît civilisée ?

Loïc Decrauze a dit…

Là encore vous détournez des faits pour tenter de justifier le vandalisme :

- Pas parce que le coût de la casse est provisionné que cela ne doit pas mettre en fureur... Récemment, j'ai trouvé, dans une même station, six vélos dégradés, justement ceux qui pouvaient être empruntés, comme si ces connards s'étaient ingéniés à exploser les disponibles : cela me met en rage, et rien, aucune argutie, ne me fera changer d'avis.

- Vous mélangez tout : la paupérisation de la société (ce qui reste à démontrer, nous vivons en moyenne mieux que nos parents), la politique urbaine (on éradique ces grands ensembles, mais on ne peut tout faire d'un claquement de doigt). Par ailleurs, prétendre que la simple mise à bas des immeubles de cité changera quoi que ce soit au comportement de ces connards, c'est totalement illusoire, car je suis certain qu'une bonne partie des vandales que je désigne n'y réside pas dans ces ensembles.

Quant à la répartition des stations Vélo'v à Lyon (je ne connais pas celle de Paris) vous vous trompez lourdement : c'est justement l'exemple d'une mise à disposition dans tous les arrondissements, y compris les plus populaires (La Duchère par exemple). Encore un argument à l'eau.

Là où je vous rejoins, c'est sur le constat que nous ne sommes pas civilisés. De la protohistoire encore qui justifie de ne faire aucune largesse aux destructeurs.