Comme pour tout jeu
collectif, on repère très vite les figurants : ceux qui n’ont aucune
chance d’atteindre par leurs propres moyens le sommet, même si certains font
beaucoup de bruit pour donner le change. Carence première : le manque de
souffle et l’incapacité de s’adapter au terrain accidenté. Parmi la bande des
concurrents de l’année, on peut ainsi faire un premier tri.
Jacques, pour commencer, qui
n’a plus rien du gamin véloce, s’il l’a jamais été, mais qui persiste à prendre
part à l’aventure sans pouvoir débuter l’ascension. A l’observer, on hésite
entre l’admiration pour une si vaine détermination, la moquerie de ses inutiles
gesticulations et le mépris pour ce chenu marmot qui occupe la place d’un autre
aux performances peut-être moins calamiteuses.
Philippe a lui l’excuse du
débutant. Il découvre le gigantesque terrain pentu et ne transporte sans doute
pas le bagage adéquat pour l’efficacité de l’engagement. Il a pourtant été
préparé par son camarade Olivier, brillant concurrent de la partie précédente,
mais rien n’y fait. Le mioche stagne au bas de la colline.
Et que dire de sa cousine
Nathalie, elle aussi nouvelle venue, qui reprend tous les tics de sa vieille
sœur Arlette, l’insubmersible n’ayant jamais atteint six pour cent de
l’itinéraire choisi. Avec le temps, elle était parvenue à se rendre
incontournable et attachante alors qu’elle n’avait qu’une obsession, si elle
avait pu s’affranchir des règles du jeu : écharper ses concurrents et
embrocher leur tête au bout d’une branche. Nathalie la hargneuse semble bien
partie pour la même disposition d’esprit, mais saura-t-elle susciter la même
affection condescendante des autres mômes ? Affection simulée bien
sûr : dans ce genre de course toute sincérité est une faille que
l’adversaire exploite pour mieux vous éliminer.
L’un des deux Nicolas n’a
d’ailleurs pas bien assimilé ce principe premier. Il se veut le coureur au
grand cœur souverainiste. Il chemine ainsi dans une autre sphère, oubliant la
présence de ceux qui le poussent dans un trou. Pauvre Nicolas qui voudrait du
loyal, du franc, là où ne règnent que stratégies, postures et coups bas. Qu’il
s’échine à cultiver son importance somme toute particulaire. Il laisse ainsi le
champ, et en l’espèce le mont libre aux autres.
C’est comme la fragile Éva
qui vient de se prendre un monumental gadin à force d’embrasser chaque arbre
qu’elle rencontre sans regarder où elle met les pieds. On lui a pourtant répété
que Mère Nature n’a rien de la maman aux feuilles douces, mais qu’elle montre
souvent un profil de marâtre aux épines blessantes et aux cavités casse-gueule.
Rien n’y fait, elle s’éprend des végétaux et des minéraux qui peuplent le pourtour
d’Alamo, oubliant son objectif : faire honneur à ceux qui ont cru en elle
au détriment d’un autre Nicolas qui aurait eu bien plus de ressort pour une
telle course. Éva l’évanescente risque de finir avec un score transparent.
Elle y croit à son destin de
gagnante, avec dans un coin de la tête l’exploit de son paternel qui avait remporté
la première manche contre le favori d’alors, feu Lionel. Une partie épique
restée dans toutes les mémoires du village qui a tremblé sur ses bases champignonnesques. La Marine s’acharne à
reprendre le flambeau, même si ses amarres semblent partir un peu à vau-l’eau.
Garçon manqué au Front très bas, malgré sa tignasse blonde, elle fustige à tout
va pour ne pas finir candidate ratée. Voguer de la sorte en milieu terrestre pourrait
la conduire à s’échouer dans une bassine abandonnée. Si elle maintenait l’érection
électorale de son géniteur, la coalition des marmots perdants n’aurait de cesse
de soutenir son concurrent et de lui faire goûter le premier récif venu. Pour
que la Marine à voile, puis à vapeur, finisse à la rame avant la tasse finale.
Dans la famille des François,
je demande celui à frisettes et à l’accent du terroir pyrénéen. Lui aussi se
persuade de finir dans le duo de tête. Il sera bientôt le seul à y croire, mais
ça n’a aucune importance lorsqu’on est convaincu de son destin au sommet. Qu’il
se fasse doubler pas sa droite et par sa gauche ne l’inquiète même pas. Marine
& Jean-Luc ? Des épiphénomènes, de la micro perturbation à négliger.
Le François ne fonce pas, il prend bien soin de combler les trous qu’il croise
pour assurer l’assise du trajet. Il veut un conte bien tenu pour une tortue
victorieuse. Laissons-le rêver, alors que le François à lunettes bataille avec
le Nicolas à talonnettes.
Les deux féroces font la
course en tête, mais aucun ne touchera l’autre directement : ne surtout pas
abandonner cette altitude pour reprendre le parcours à zéro. Cela n’empêche pas
les coups et les vacheries pour faire choir l’autre. François connaît ses tares
et sait de quelle gangue ankylosée il vient. Les critiques d’hier s’affichent
comme ses soutiens du jour, mais il n’est pas dupe. Seule la victoire lui
garantira l’ascendant sur ses troupes. Ses casseroles à lui tiennent à un passé
de rondouillard bouffeur de fraises des bois et affublé d’une autorité de
« capitaine de pédalo ». Un Chamallow rigolard, sympathique, mais
sans aucune envergure pour se colleter aux faces accidentées du Fort Alamo.
Suite à une révélation, il s’est transmué en athlète impitoyable, singeant
parfois un peu trop son mentor, celui qui a tenu le drapeau quatorze années
durant, toute une enfance en somme, le mythique Fanfan la Rose, modèle absolu
d’engagement pour Sa cause. Alors il faut qu’il tienne le François, face aux
assauts de l’autre, celui qui a remis son titre en jeu.
On ne le dirait pas en le
voyant de loin, mais c’est bien le petit Nicolas qui les a tous doublés lors de
la dernière finale. Mais ça, c’est bien du passé, et l’ambiance diffère radicalement
aujourd’hui. Les boulets qu’il trimballe ne peuvent passer inaperçus. Personne ne
lui a pardonné sa parade triomphante. Il a voulu grandir trop vite, oubliant que
sa période de croissance était bel et bien terminée. Il doit composer avec ses restes,
ce que ses soutiens désignent comme une solide expérience pour tenir le Fort, là
où ses détracteurs ne perçoivent que des méfaits grossiers pour une vulgaire occupation.
La course se poursuit mais les précipitations amollissent
le terrain et font du Fort un bourbier sans nom. La conquête du sommet pour se retrouver
à la tête d’une terre sans fonds… Quand vont-ils enfin grandir et comprendre ?
9 commentaires:
Ne soyez pas si caricatural à propos de Nicolas DUPONT-AIGNAN et de l'inéluctable sortie de l'Euro §
A l'écouter, je n'ai pas du tout l'impression d'être caricatural. Sa position est totalement irréaliste, voire dangereuse.
Marine sera au second tour... Vous verrez... Le monde des Bisounours c est fini maintenant il faut arrêter de croire au père Noël à nos ages
Il faudra que vous m'expliquez ce qui, dans mon texte, vous fait supposer que je crois et aux Bisounours et au Père-Noël. Vous, c'est un conseiller en lecture qu'il faudrait que vous preniez, et ce d'urgence !
Wouah !!! comment suis je arrivé ici ? je vous le demande. Mais qu'elle plume Loïc ! bravo j'approuve et je me suis bien marré à la lecture de cette brillante analyse. Tout y passe et ...trépasse. Aucun des candidats n'ait digne d'arriver au pouvoir et c'est aussi mon avis.Mais si je peux me le permettre, tu en as oublié un et pas des moindres : Mr ou Mme Abstention.
PS ; J'adore Fanfan la rose, qui, soit dit en passant outre une fille il ne nous a pas laissé d'excellent souvenirs. Ceci dit nous serons d'accord pour penser que les français ont la mémoire courte.
Dans tout les cas, Bravo tu écris magnifiquement bien.
Je découvre votre blog et je suis agréablement surpris par votre objectivité et votre ton si décalé par rapport aux sinistres auteurs qui m'ont déja depuis longtemps lassés.
J'espère que vos métaphores se feront plus cinglantes et acides, un deuxième degré qui est bien venu.
Félicitations.
PS: A voir certains commentaires déja publiés, vous devriez spécifier que c'est du 2e degré avec une notice d'emploi, le français à du mal avec cette notion.
Merci pour l'hommage Mister Bigaud. Bien vu pour la personnification de l'Abstention, que j'ai pratiquée des élections durant... Ceci expliquant sans doute mon oubli. Fanfan la Rose était devenu Fanfan Mité, à la fin de sa vie : si j'admirais le courage physique de l'homme, la teneur de son parcours politique me laissait plus songeur.
Et moi, je me "pète" la honte en me relisant (je suis incorrigible, je me le reproche et je persiste dans mon erreur)) Aucun des candidats n'EST digne !!!oupsss !!! Pardon mais je reviendrai , c'est certain.
J'en serais ravi. Si rare un lecteur qui fait la démarche de corriger ses fautes. J'en laisse aussi passer, n'hésitez pas à me les signaler, le cas échéant. Bien à vous.
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