10 août 2008

Le Bonheur, en Gers et en Auch

Premier jour

Auch m’emballe ! Rien à faire : la première impression donnée par une localité vaut celle produite par la vue d’un être. On accroche ou pas.
La préfecture du Gers, malgré sa très modeste taille, offre tous les atours de la ville historique avec espaces majestueux, ruelles imprégnées des siècles précédents et population conviviale, mais qui garde la distance requise.


L’employé de l’office du tourisme a très efficacement comblé nos curiosités, enchaînant les questions pour mieux sérier nos attentes et nous proposer les documents adéquats. Un bon professionnel, tout simplement.


Premier arrêt gustatif à une brasserie-pub servant du tartare gascon : viande, tranche de foie gras et magret de canard pour un succulent trio. Là encore, accueil très agréable, dosé à la juste mesure, l’équilibre pour ne verser ni dans la froideur austère, ni dans le copinage collant.
Notre séjour s’annonce avec tous les attraits d’une belle rencontre dans cette France aux mille visages géographiques.


Aux antipodes, le Tour 2008 est salopé par quelques tricheurs minables. Quasiment coupé de l’actualité depuis quinze jours, je découvre que Le Monde week-end, acheté ce matin, en fait l’un des titres de sa Une. L’un des espoirs du cyclisme mondial, un Espagnol de 24 ans dont il convient d’oublier le patronyme, a vu ses exploits ratatinés au rang de foireuses manœuvres d’un dopé. Aucune clémence : la radiation du cyclisme professionnel doit être à vie et les amendes dissuasives. On peut soupçonner l’équipe entière de n’être pas exempte de similaires saloperies.

Deuxième jour

Matinée centrée sur la découverte de la vieille ville par le biais d’un circuit conseillé. De l’escalier monumental aux quelques pousterles, les dénivelés de marches activent nos mollets. Toujours si peu de monde dans les rues : un vrai confort pour photographier les lieux sans trognes malvenues. Un bien-être qui se confirme : je me sens en phase avec l’atmosphère de cette ville.

Au détour d’une rue gardée par quelques policiers, nous tombons en pleine commémoration de la journée contre le racisme et l’antisémitisme et en hommage aux Justes de France (moins de trois mille personnes) ayant accueilli et sauvé des juifs sous le régime pétaino-nazi. Sobriété du discours du préfet (seul officiel présent, les autres – maire, président du Conseil général – se sont fait représenter) suivi de la sonnerie aux morts, de la Marseillaise et du dépôt des gerbes de chaque corps constitué. 

Grand écart pour l’après-midi musicale : la dixième édition du festival Cuivro’foliz à Fleurance accueille une douzaine de fanfares. De jeunes musiciens déchaînés font très vite oublier la connotation pantouflarde qu’on pouvait avoir de ce type de groupes. Les textures varient : du jazz au rap, du métissage des genres aux improvisations collectives.

Nous entrecoupons les musicales prestations, un tantinet déjantées, par le concert d’un organiste, plutôt doué, dans la cathédrale Sainte-Marie d’Auch. Né en 1974, l’artiste a obtenu une médaille d’or dans cette pratique à dix-neuf ans : performance remarquable pour les connaisseurs.
A Fleurance, le soir : du bon enfant un peu chargé en alcool. Nous nous éclipserons avant le crépuscule et son Poivrot’foliz.

De retour au bercail du Robinson, emplis de sons et de boustifaille.

Petit détour, avant l’extinction des feux, vers Le mendiant ingrat de Bloy, dont la personnalité me partage de plus en plus. Courageux engagement pour défendre le lynché Laurent Tailhade, mais exaspérante posture de quémandeur à œillères religieuses. Parfois l’envie de l’étouffer par un trop-plein d’hosties pour qu’il dégorge d’un coup cet obscurantisme, si véhément soit-il.


Troisième jour

Nouvelle escapade-découverte : la matinée sur les pas d’Etigny, un intendant d’Auch du XVIIe siècle ayant particulièrement embelli la localité ; arrêt déjeuner léger au café-brasserie d’Artagnan (autre immense figure de la Gascogne), puis visite de la cathédrale Sainte-Marie. Même agnostique, je reste admiratif de l’abondance artistique d’anonymes portés par la foi. La douzaine de chapelles qui jalonnent le pourtour de l’édifice religieux, comme autant de niches somptueuses dédiées à la spiritualité, rivalisent d’apparats ayant mobilisé les plus nobles arts. Quant au chœur, il se présente comme un confortable ovale délimité par un gigantesque paravent de chêne sculpté en hommage à de multiples figures mythologiques et religieuses. Encore une merveille de l’art catholique.

Pour la suite, passage dans trois villages du grand Auch dans lesquels nous semblions être les seuls touristes à fureter le bon angle, la belle vue, dans les ruelles escarpées : Montaut-les-Créneaux, Castelnau Barbarens et Pessan. Pas du transcendant esthétique, mais de relaxantes balades avec ma BB.

Retour aux saveurs culinaires à La Table d’Oste… Le tourisme vert a décidément du bon lorsqu’il flirte avec les mets locaux : une planche des spécialités arrosées d'un rouge régional. Une partie de la conversation sur le nouvel éloignement d’avec Alice : ma BB me conseille de la rappeler et de l’écouter. Soit. La démarche affective pourrait dépasser le contentieux existentiel. Je n’ai d’ailleurs jamais remis en cause son terrible témoignage. Je n’éprouve pas cette haine absolue de Heïm, mais ne réprouve pas qu’elle la ressente. Voilà le point d’achoppement : qu’elle admette un ressenti autre.

Quatrième jour

8h53. La réforme des institutions a donc trouvé preneur grâce à l’appoint d’une voix : pour les parlementaires socialistes aucun doute, Jack Lang le renégat en est l’incarnation.

Dépité, aux Quatre vérités sur France 2, le souverainiste Dupont-Aignan dit « ne rien regretter de son vote contre ». On ne perçoit pas bien ce que son vote pour aurait changé ! Commentaire nul et non avenu.

13h10. À nouveau sur la place de la Libération pour un rapide déjeuner (nos premiers sandwiches) avant de prendre le bus 4 qui nous acheminera, grosso modo, vers notre Grande Punto via l’hippodrome. La promenade le long du Gers, après quatre kilomètres sous l’astre brûlant, nous a décidés à un retour motorisé.

18h56. Le calme rural de la Baïse en kayak : activité réussie pour l’après-midi. Hormis une famille de touristes étrangers, nous ne croisons personne sur le tronçon sis entre deux barrages. L’eau paisible présente divers obstacles végétaux facilement contournables.

Sur le trajet routier pour nous rendre à Beaucaire, lieu de départ des embarcations, deux découvertes nourrissent mes charges contre l’univers routier.

Côté grotesque : un panneau jaune triangulaire alertant de la présence… d’arbres le long de la route ! Le Gers a conservé le charme de certaines départementales habillées de platanes en enfilade. Dans d’autres coins, des autorités administratives ont décidé l’éradication des arbres majestueux qui avaient la sporadique, mais criminelle habitude de couper la trajectoire d’automobilistes sortis du tracé d’asphalte. Alors, hop ! on coupe ! Ainsi, les chauffards ronds comme des queues de pelle et les jeunots en mal de sensations fortes peuvent perpétuer leur délinquance routière. Ici, dans le Gers, on a trouvé la voie médiane : conserver l’esthétisme, mais faire prendre conscience aux égarés et aux tarés de la route de cette imposante présence IMMOBILE ! A quand les panneaux qui alerteront les mêmes décérébrés du possible passage d’autres véhicules sur la même route qu’eux ?

Côté symbolique : une silhouette sombre en bord de route, signalant aux consciences le trépas anonyme d’une des leurs, est comme guillotinée à la moitié du torse, ajoutant à l’incarnation une seconde mort, mais privant l’objet de sa forme humanoïde. J’ose espérer que ce ne soit pas le méfait d’un conducteur enragé par ce rappel à la prudence vitale.

Rien à dire sur les autochtones, jusqu’à présent. Parmi les touristes qui crèchent au Robinson, en revanche, un spécimen de sans-gêne, de lourdaud m’as-tu-vu qui me contraint à sortir un instant de la quiétude.

Après 23 heures, le gus au portable greffé ne trouve rien de mieux (je le découvrirai en sortant l’interpeller) que de laisser la lourde de sa piaule ouverte et de déambuler dans le couloir (le système d’éclairage est basé sur la captation des mouvements) pour bien faire profiter chaque hôte de ses fadaises, inepties, insondables débilités débitées. Après trente à quarante minutes du crétin manège, j’ouvre brusquement notre porte pour lui demander combien de temps allait durer ce cirque. Là que je distingue (sans lentilles ni lunettes) qu’il loge, très temporairement je l’espère, juste en face. Du flou de sa silhouette je retiens le glandu tout de blanc décontracté vêtu, le cheveu lissé en arrière et la tronche imbue. Trois minutes après mon intervention d’hirsute en grogne, le bellâtre fadasse laisse les capteurs tranquilles : le sommeil peut se substituer à l’énervement.

Cinquième jour

Trente-deux degrés à l’ombre prévus pour cet après-midi. Nous passerons la journée à Condom (vagabondage dans la ville le matin, bronzage et baignade au centre de loisirs aqualudiques de la Ténarèze pour la suite) et la soirée à la ferme de la Gouardère (à Roquelaure) pour un repas champêtre avec trio de jazz. Des vacances encore, en somme !
Le journal télévisé de ce matin rapporte le cas d’un nouveau décès d’enfant (une fillette de deux ans et demi) oublié dans une voiture. Un cadre d’Aréva serait le père plus que négligent. Parmi les commentaires recueillis, celui, ahurissant, d’un collègue de travail : « c’est malheureux, mais cela peut arriver à n’importe qui » ! On nivelle pour justifier le criminel comportement.

Un peu décevant, le dîner champêtre. Un menu trop basique pour son coût, un groupe sans flamme, jouant de leur instrument comme on va au boulot, compétents mais pas transcendants, une assemblée sage, de ce fait. Tout de même, à notre table : des ch’tits pur jus pour égayer l’ambiance.

Sixième jour

Du gris au ciel, ce matin, comme pour sonner la fin des distractions. Nous poursuivons, même sans soleil, jusqu’à la dernière miette.

Profiter du ciel bas pour mitrailler en noir et blanc les sites visités. Charme du clocher hélicoïdal de Barran : l’illusion d’un mouvement qui l’élancerait plus haut vers les cieux. Toujours le confort de lieux non surchargés en présences humaines, permettant les plus panoramiques perspectives à impressionner sur pellicule.

A Bassoues, après nous être élevés à plus de quarante mètres sur la plate-forme circulaire du donjon, nous nous restaurons sur la moyenâgeuse terrasse animée par un trio enchanteur de serveuses au souffle entraîné. Pour ces longueurs de tablées combles, elles se coordonnent avec bonne humeur dans un ballet de services improvisés au gré des attentes.

18h28. Passage à l’antre des tentations, la Maison de Gascogne à Auch, pour divers produits liquides, solides et semi… pour nous ou pour offrir.

Nous nous préparons pour nous rendre à la meilleure table du Gers (selon Le Routard) : Le Jardin des Saveurs à l’Hôtel de France. Quintessence gustative à l’horizon… avant le retour au bercail lyonnais et à notre nid (qui nous manque un peu… juste un peu !).

19h20. Au cœur d’Auch pour cette dernière soirée duale de nos vacances gersoises. Arrivée en avance pour apercevoir quelques bribes des festivités auscitaines, nous finissons au calme sur un banc de la place Salinis. Coin de quiétude avant de butiner les saveurs.


Triste privilège, signe d’une maison en perdition : nous sommes seuls dans la grande et haute salle du Jardin des Saveurs. Impression d’assister aux derniers soubresauts de cette table de renom dans le département, qui a vu s’installer dans ses larges fauteuils nombre de personnes de pouvoir. Bon moment avec ma BB à déguster leurs mets bien dosés.