16 décembre 2021

Cas Fusion


D'abord il y eut ce cas contact, inespéré, qui ouvrit la contrée des possibles dans l'improvisation. La terminologie scientifique culbute parfois le langage courant au point de tordre la réalité vécue : être décelé positif, du Sida à la Covid-19, c'est embrasser l'optique du virus et de son insatiable quête d'hôtes en masse. 

Puis il y eut l'administreux, la couenne double du dérisoire administreux qui se prend pour quelque chose : particulaire pouvoir tuméfié en volonté de nuire.  Seule issue : aplatir sans ménagement sa malodorante et disgracieuse grotondité. Rage de passer outre les convenances, les règles, les formalités  pour enfoncer dans cette graisseuse occupation un pic empalatoire et lui apprendre, le temps qu'elle débarrasse la Terre de son pseudo vivotage, le sens de sa fonction et de l'intérêt général. Avec ce gras, les sciences cognitives se résument à une révulsante mêlasse désinhibée. Berck ! 


Enfin enfin enfin l'insistance pour s'arrêter chez Georges, cesser ainsi d'être brassés par l'épisode précédent et s'immerger dans la féerie fusionnante. Jamais, sans doute, une tablée passa si vite du convenable face à face au côte en côte submergeant...  Parmi les invités du XIXème, se distingue le lyrique proclamateur de la deuxième République,  Alphonse de Lamartine : 


"Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :"

Accordez-nous l'espace éternel qui nous hisse

À hauteur de velours. 


Éventail des souffles conjugués. Traversée de la salle cathédralesque. Vagabondage au long cours d'une presqu'île en pierre de taille. À chaque voie semi-éclairée, l'empreinte d'une densité semée. Petit détour vers l'arbre à thé malheureusement disparu, brève escale autour d'un chocolat dégusté... et de la marche dans notre écrin mobile : rejoindre le quai requis via le droit tracé du Héros des deux mondes. En chemin, feu Bocuse touille son firmament, témoin d'une déraison étoilée. 

Au présent intime, rester à jamais ; à l'instant infime hurler son secret : une évidence qui rend forcené ; l'acharnement jusqu'à s'écarteler. Vie d'horizon sans ligne de fuite...


09 mai 2021

Invariants spasmodiques

 Fin de matinée, non loin d'Interpol.

Misanthropie nihiliste pour m'effacer. Mettre un gouffre entre moi et le vivant. Le rien comme oripeaux mortuaires. Un virus et je bricole du confinement, une vierus sonne l'ensevelissement. Ne surtout pas le vaille que vaille, le tourner-la-page, le chapitre suivant, l'accommodement dans le faux-semblant. Pourquoi devrais-je esquisser une sociabilité quand tout en moi s'anéantit ? Non foi pour un désastre révulsé. Que les gorges s'ouvrent vers ce désert calcinant. Pas de conte à pendre, juste une équation à presque huit milliards d'inconnu-e-s. Repoussoir en quête de pourrissoir. Ne plus croiser un regard ni échanger d'encombrantes paroles : en vase clos avec sa brisure d'absolu.

En face, six gugusses avec leur brassard jaune de haute visibilité attendent les usagers à contrôler. Le premier bus s'arrête : un seul voyageur, en règle ! Se faire un hargneux olibrius sans titre de transport. Défouler ce vide. Le deuxième sera le bon : binôme frauduleux à verbaliser.

[Inachevé]

Julius Payer - Tegetthofff im Eis


21 avril 2021

Baudelaire l'effleure sans mal

Corolle hérissée aux rimes liquides expulse ses bal(l)ades, agrippe une douloureuse exhalaison : lézarde affolante instille rêverie entêtante.

Charles Baudelaire : Autoportrait sous l’influence du haschich.
Charles Baudelaire - Autoportrait sous l’influence du haschich.


« Durant ces grandes nuits d’où le somme est banni, »

À Musine j’écris en pleurs, à l’agonie.

« Te regarder toujours avec des yeux de feu »

Irrigue de velours ta braise qui m’émeut.

« Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie »

Et sans Musine l’Instant saigne ses envies.

 

« Moi-même, dans un coin de l’antre taciturne,

Je me vis accoudé, froid, muet, enviant, »

Laissant les angoisses ronger mon sort nocturne,

En un cri sépulcral m’exhiber déviant.

« Au somnambule errant au bord des édifices, »

Reste un sort délirant, le roide sacrifice.

« Comme les sons nombreux des syllabes antiques »

S’exhalent les tons feu qui accrochent nos criques.


 

« Qui, comme moi, meurt dans la solitude,

Et que le Temps, injurieux vieillard,

Chaque jour frotte avec son aile rude... »

Sait que l'âme s'use et tombe aux pillards

Qui souillent l'envol, griment l'élan prude

Pour qu'il ne reste qu'un laid vétillard

Aux songes étroits, ternes certitudes.

« Quand la terre est changée en un cachot humide,

Où l'Espérance, comme une chauve-souris, »

S'épuise et s'assomme contre ces pans acides,

Je reste là, goûtant son cadavre tout gris.

« Pour engloutir mes sanglots apaisés

Rien ne me vaut l'abîme de ta couche : »

Et si je suis arraché de ta souche,

Privé de sève : une vie à raser.

 

« Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève ! »

Loin du phare, aspirant l’écume qui m’élève.

« L’air est plein du frisson des choses qui s’enfuient, »

Volutes sans retour, restes d'âmes en suie.

« Dans le suaire des nuages

Je découvre un cadavre cher, »

Celui que je deviens, en nage,

Sueur glacée perlant sans chair.



Corolle

Hérissée

Aux

Rimes

Liquides

Expulse

Ses

 

Bal(l)ades,

Agrippe

Une

Douloureuse

Exhalaison :

Lézarde

Affolante

Instille

Rêverie

Entêtante.

08 avril 2021

Chiche ! Monsieur Doucet : végétalisons !

 

Projet Nexity au 191 avenue Félix Faure - Lyon

Au coin de l'avenue Félix Faure et de la rue Meynis (troisième arrondissement) se prépare une opération immobilière de poids, et ce malgré la lyonnaise ère écologique : un immeuble atteignant les trente mètres, pour sa partie la plus haute, jetterait son ombre bétonnée sur la cour de récréation de l'école élémentaire juste en face. Ses petits bâtiments classés seraient alors inesthétiquement surplombés.

 

L'école élémentaire classée située en face

Une archaïque pradélisation de ce coin de Lyon se prépare, donc... Pour les non-Lyonnais, petite digression d'histoire communale : Louis Pradel dit "Zizi béton", à la tête de la capitale des Gaules de 1957 à 1976, eut la charmante idée de faire passer l'autoroute Paris-Marseille au cœur de la ville et d'ériger le hideux pôle d'échanges multimodal qui défigure l'espace alentour de la Brasserie Georges, institution culinaire et merveille architecturale. L'infect "plat de nouilles" grises avait alors l'apparence de l'irrésistible modernité. Rappelons également, pour finir de croquer cette laide politique urbanistique complaisamment soutenue par la presse locale (Le Progrès de Lyon d'alors) que le maire Pradel envisageait de détruire les quartiers d'époque Renaissance du vieux Lyon. Sans le combat de Régis Neyret pour éviter ce patrimonocide, nous aurions peut-être une enfilade de parallélépipèdes verticaux à l'indigeste sauce béton en lieu et place d'un ensemble classé au patrimoine mondial de l'humanité ! Heureusement, pour l’intégrité et le rayonnement de Lyon, le ministre de la Culture Malraux s'empara de l'affaire…

Vue d'en haut, état actuel.

Eh bien ! voilà ce que je vous demande aujourd'hui, à l'échelle d'un quartier, Monsieur Doucet : ne pas laisser se construire cette verrue immobilière manifestement trop haute pour respecter l’esprit de la loi.

 Oui, la faille juridique à cet inadapté projet Nexity semble exister : dix-sept places de parking prévues pour... trente-quatre logements ! Comment le permis de construire a-t-il pu être délivré le 2 mars dernier ? L’article R. 111-25 du Code de l’urbanisme dispose que « le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable peut imposer la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux caractéristiques du projet » L'un des points faibles de ce quartier tient justement à la difficulté d’y trouver une place pour son véhicule (je n'ai pas ce souci ayant choisi de ne jamais passer mon permis de conduire et de faire mes deux mille kilomètres de vélo'v par an) : cet aberrant projet ne fera que multiplier les stationnements sauvages et les voitures qui tournent, tournent et tournent pour dénicher un coin libre. Le plan local d’urbanisme est-il si laxiste qu’il autoriserait la construction d’un mastodonte ne proposant une place de parking qu’à un occupant sur deux ? Y aurait-il de tels intérêts financiers en jeu que cela dispenserait de respecter une règle de bon sens ?

 

A droite se dresserait l'immeuble de 30 mètres

Alors voilà, Monsieur Doucet : Lyonnais depuis 1999, ayant fréquemment déclaré ma flamme à cette ville de cœur, je me permets d'interpeller votre fibre végétalisante et d'appeler à la mobilisation écocitoyenne contre ce très contestable projet. Préemptez la parcelle n°6 du cadastre et faites naître un vrai "petit jardin" qui ne renifle pas trop la "fleur de béton" et ne se limite pas à ce qui est concédé par les promoteurs : une malheureuse bande de quatre mètres de large sur l'un des flancs du colosse immeuble.

 

Permis de construire délivré

Une pétition est en cours de diffusion pour tenter d'éviter cette anachronique bétonisation.

28 mars 2021

Carnet de mort d'un sans-visage

Certains sans-culottes avaient poussé leur Révolution jusqu'à la Terreur, sans compter les vies à sacrifier, pour un crépusculaire Siècle des Lumières. Le sans-visage de la décennie pandémique s'efforce de préserver sa vierus et celle des autres.

Se garnir d'un Pampers facial, avec petits élastiques bien tendus derrière les oreilles, pour limiter toute expression contaminante. Ce bleu délavé de déplacement ronge le visage, rectangle-linceul de l'humanité.

Respirer son air expiré pour ne pas empoisonner l'autre.

Ne pas supporter l'inconnu(e) à moins de deux mètres.

Désinfecter paumes et doigts à chaque contact : le toucher est désormais présumé infecté.

Enrager contre la patibulaire trogne à nu ou l'horripilant sous-nez (le masque) à qui il faudrait expectorer une bonne dose covidée.


À moi, l'enfermement apathique

Pour qu'aux tréfonds je me déchiquette

Et brise l'air asymptomatique.


Entre ces murs la vie léthargique 

Fait lâcher la poudre d'escampette,

Cernée par les stats cadavériques.


Fauteuil paralysant enracine

À cran sur l'écran pour toute vie

Des touches sortent de blafards signes.


Confiné aux confins de moi-même,

Cadenassé de gestes barrières,

J'étreins la condition inhumaine.


Le vide éventre ce qui subsiste

En silence et surtout sans toucher

Le sens perdu de ce qui existe.


Gisant sans masque et les deux mains nettes,

Quatre murs, un plafond, un plancher,

Détresse exécutoire s'entête.



02 janvier 2021

Les pamplemousses magnétiques

Avoir goûté au breuvage de vie emporte tout le reste : l’évidence cardinale rend révulsant ce qui s’en écarte. Au pesant nom de principes, d’usages, d’une roide ligne de conduite, il faudrait renoncer, se contenter de ce qui nous rend étranger à soi, faire semblant que tout va.

Trahir son impulsion de vie revient à se cadavériser, à faire l’autodafé de ce que l’on sait primordial. L’incontournable forme épousée pour toujours, même si elle doit à jamais rester en filigrane, nourrit toutes ses dimensions en extatique kaléidoscope.

Avoir consacré des millions de signes à dépeindre l’inexpugnable repère, ouvrir ses flots textuels à la Muse existentielle pour esquisser les cimes de l’absolu : aucun tour de magie dans ce prodige, juste l’humanité dans sa plus mirifique expression.

L’Être de Vie vint… et Un-e exista, enfin…