19 janvier 2019

Au nom des décombres


La maturité démocratique impliquerait qu’un rejet, une destruction, soit indissociablement lié à un projet précisé ou à une construction définie bénéficiant du même soutien majoritaire. Mais voilà : notre système institutionnel tolère la coalition destructrice sans aucune assurance de ce qui se substituera à l’élément mis en pièces. Ce doit être la part primaire de notre État de droit.
Rappelons-nous 2005 et l’addition de forces politiques compatibles dans le seul et unique but de saborder le projet de Constitution européenne. Approche binaire débilitante dans lequel un « oui » ouvrait sur un cadre identifié alors que le « non » hétéroclite n’a pas permis de faire émerger autre chose qu’un blocage politique de l’Union. (Remercions à nouveau ici Jacques Chirac et ses collègues étatiques d’avoir mis la charrue de l’élargissement avant les bœufs institutionnels.) Cela a nécessité, pour éviter le masochisme collectif délétère, d’adapter les règles de fonctionnement à vingt-huit États membres via le traité de Lisbonne.
Prenons le Brexit de nos partenaires britanniques : décider le retrait, pourquoi pas, mais avec quelles conséquences et pour quelles perspectives ? L’alliance de ceux qui ont piétiné cette construction pouvait-elle seulement y substituer un projet national cohérent ? Apte au champ de ruines, la démocratie directe semble bien l’être, tout comme, parfois, la voie représentative : ainsi les parlementaires anglais, vent debout contre le compromis issu des laborieuses négociations de sortie de l’UE, mais dont les justifications respectives s’écartent aux antipodes.
A entendre les Jaunâtres gueuler, bave en coin, « Macron démission ! », on se demande bien ce qu’ils auraient la capacité politique de faire à sa place. L’individualisation des revendications édifie sur ce qui constituerait l’après-Macron : la loi du plus fort, si loin de l’intérêt général, ou une funeste instabilité.
A chaque fois, la coagulation de forces éparses pour détruire est suivie d’une révélatrice incapacité à se mettre d’accord sur un projet viable. La sagesse démocratique supposerait que tout « non », tout rejet, toute destruction soit obligatoirement couplé à ce qui est proposé en lieu et place, et qu’on ne puisse additionner ensemble que les opposants compatibles pour la suite…
A quoi sert-il, au-delà du caractère injuste et cruel de l’acte lui-même, de guillotiner Louis XVI si c’est pour consolider la Terreur et l’absurdité sanguinaire d’un « vous vous trancherez la tête les uns les autres » ? Voilà le nihilisme politique : puissance destructrice puis impuissance à construire qui laisse croître l’amertume, le ressentiment voire la haine, autant d'états d'esprit  fortement déconseillés pour colmater une embarcation collective sans gouvernail.
En ce sale jour de l’acte X des Jaunâtres, pièce à rallonge de très mauvais goût, chacun devrait jauger ce qu’il a aujourd’hui et ce qu’il pourrait ne plus avoir demain par le fait de ces bien trop visibles agrégats ochlocratiques.