25 mars 2012

Pisse du Diable

Il voulait mettre la « France à genoux » : il s’est écrasé, charogne fumante, au bas de son immeuble. Certains nous expliquent que le tueur à bout touchant avait deux visages. Pas sûr… Pour parvenir à cette barbarie décontractée, il faut une seule face prédatrice : le culte du prendre-à-tout-prix.

Prendre par le vol facile, d’abord : petite frappe minable qui s’attaque à une vieille dame pour s’emparer de son sac. D’emblée méprisable opportuniste. Prendre bagnoles et motos, parader et se croire puissant dans cette société sucée pour assouvir son appétit d’artifices et sa volonté de puissance quitte à salir ou traumatiser l’autre.

Faire mine de prendre la voie religieuse pour ne pas avoir à se soumettre aux condamnations de ses violences, de ses infractions de tous ordres qui gangrènent son existence merdique. Point de foi pour ce trompeur flou de dieu, vraie pisse du diable, mais une tambouille pathologico-religieuse, infect prétexte à toutes ses folies en germe. Le psychopathe se voulait croyant, il n’a été que malfaisant.

Prendre la vie d’autrui, finalement, comme la continuité d’un matérialisme qui se singeait pieux dans une sinistre parodie du guerrier jusqu’au boutiste. A Lyon, les poubelles s’accumulent sur les trottoirs, après quinze jours de grève d’une minorité d’éboueurs. A Toulouse, l’ordure première a été rapidement ramassée. A Lyon, on apprend à respirer au rythme des monceaux de détritus : expirer à l’approche d’un tas, doucement pour tenir toute la longueur, inspirer avant le prochain. A l’endroit où le terroriste sera enterré, espérons qu’aucun culte nauséabond ne se développera. A la mémoire de ses victimes, laissons-le croupir dans un néant éternel.
(Photos, L. Decrauze)

11 mars 2012

Fukushima, mon âme ou rien

Je tremble, pas que de peur, je tremble de tout mon être, de tout ce qui m’entoure, de tout mon univers. Pas d’échappatoire, pas de respiration profonde à tenter, le monde m’échappe, bascule et se fracasse. Les bases s’écartèlent, deviennent failles mortelles. Je ne peux m’accrocher à rien de solide : la mobilité contre-nature menace. L’épilepsie terrestre gronde, gigantesque tonnerre des entrailles. Aucune résistance, pas une prière possible : le hasard et la nécessité tectoniques modèlent l’instant et dessinent la fin. Comme un crépuscule des vies à portée du regard.

Puis la vague fond sur notre terre secouée, dévore tout et devient lame à broyer. Plus elle s’enfonce, moins elle semble liquide : une masse opaque, mouvante, qui détruit et emporte. Je suffoque et mon corps se perd quelque part dans ces courants gloutons. Nos existences telles des fariboles, des prétextes pour croire à la maîtrise humaine de la nature. Le monstre tsunamique étend les contours de son chaos, avale les champs, pulvérise les bicoques, menace tous azimuts et finit par noyer une enceinte nucléaire pour un troisième acte explosif.

Se faire tremper les intérieurs, ça n’aime vraiment pas, une centrale. Une, deux, trois déferlantes font dérailler la fin de carrière prolongée du complexe. Mon cœur bouillonne : un trop plein de flotte et me voilà au bord de la fusion. Logique des contraires pour faciliter la contamination. On doit me maintenir au secret, confiné pour ne pas expectorer mes particules. Entre le civil cadenassé et le militaire débridé, le nucléaire accidenté balance…

Le confort sans risque ? Pour qui cette fable ? Les sites les plus alarmistes comptabilisent soixante millions de cancers dus à cette énergie. Les accidents de la route font plus d’un million de morts par an depuis une soixantaine d’années. Doit-on abandonner l’électricité nucléaire et interdire les moyens de locomotion concernés ? Indécentes polémiques alors qu’un peuple sèche ses plaies, cicatrise vaille que vaille et témoigne d’une énergie sans pareille.

03 mars 2012

Le marais présidentiel s’affiche

Ça débute par une mer d’huile, tellement improbable ou glissante qu’on finira par se casser la binette. Le regard détaché, profond, abyssal comme un déficit public, se porte vers la ligne bleue Marine des Vosges. « La France forte », pense-t-il, forte de ses illusions et d’un antisarkozysme galopant, oui. Ces présidentielles seraient-elles tentées par la castagne bête et méchante ? Sarkozy « bayonné » par les peu folkloriques indépendantistes basques et une pincée de socialistes vient d'en faire les frais. La recette d’un « bayonnement » efficace : huées, insultes, œufs et chaises à la volée. De la démocratie gastronomique à l’arrière-cuisine de boui-boui.

Pour maintenir la ligne de flottaison, gardons-nous de  la Bassine aux eaux troubles. Sirène aux mélodies terre-à-terre, elle nous ferait goûter à tous les récifs pour une plongée fatale. Son « Oui ! la France » a tout de la simulation orgasmique avant l’ingestion de ses proies, telle une vorace mante religieuse.

Avec Hollande, l’autre politique du dommage à venir, le paysage est bien plus flou. Il nous annonce simplement que « Le changement c’est maintenant » et, par vague contrepèterie, nous pouvons déceler que les manquements se feront par chuintements, sans bruit, discrètement, avec modestie… Quoique : il semble ne plus mâchonner son socialisme avec honte, il se mélenchonnise même, avec une taxation confiscatoire pour les plus fortunés. Georges Marchais n’avait pas fait mieux lorsqu’il s’en prenait aux « cumulards », les Elkabbach, Duhamel et autres nantis du système, qu’il soupçonnait être passibles de la peine communiste pur jus : « Au-dessus de quatre millions, 100 % d’impôts, je prends tout ! » jubilait l’apparatchik en herbe qu’il restera.

François Bayrou a eu le pif de reconnaître un morceau hollandais du « déconnomètre », mais son slogan a tout de la méthode Coué ou du vœu pieux. « Un pays uni » : il va falloir une puissance catalytique hors norme, quasi mythologique, pour y parvenir. La conséquence naturelle : « rien ne lui résiste », formule libératoire qui fait abstraction de l’environnement mondialisé et concurrentiel. Irrésistible Bayrou ? Il y met du cœur en tout cas, comme en 2007, mais cela suffira-t-il à le propulser au second tour ?
Avec Mélenchon, pas d’union qui tienne, c’est d’abord aux brimés, aux furieux, aux révoltés de tout poil hirsute qu’il s’adresse. Le regard vers la droite, comme les deux candidats du bord opposé, il harangue et ordonne : « Prenez le pouvoir ». Clarté fracassante de l’objectif, silence révélateur sur les moyens. Un appel à la Révolution ou au coup d’État ne ferait pas mieux.

Pour le clin d’œil, les filiations sont parfois étonnantes : on trouve dans l’affiche du Front de gauche pas seulement du NPA et son talentueux Besancenot, mais aussi du NDA, comprenez Nicolas Dupont-Aignan ! N’est-ce pas lui qui, en 2007, sommait : « Français, reprenez le Pouvoir ! ». Comme un air radoté : je prends, je reprends et je me fais prendre… Tragédie du citoyen ordinaire.

A côté de celle de l'ex socialiste, l’affiche de Nathalie Arthaud fait bien pâle impression, malgré le rouge envahissant. Le degré zéro du slogan politique est atteint : « Une candidate communiste à l’élection présidentielle », rien que ça ! Sa stratégie électorale se limite à tenter de choper quelques électeurs à l’OVNI Mélenchon, alors elle rappelle sa chapelle idéologique pour ceux qui n’auraient pas associé sa bouille et la couleur choisie au bon parti. Comble de la précision, elle indique pour quelle élection elle se présente : il ne faudrait surtout pas que ses rares soutiens attendent les législatives, voire les municipales, pour lui apporter leur voix. Là, au moins, on ne va pas s’échauffer les neurones en exégèses de la communication.

Cela inciterait presque à prendre nos vacances printanières avec Éva Joly. La mine rayonnante, la tenue mi-saison, les lunettes fraîchement ôtées pour nous fixer sans détour et sans obstacle, elle nous invite à ce choix radical, celui… du tournesol ! Une France héliotrope, voilà qui pourrait être un remède à la crise…

Après les affiches, j’attends, la plume aiguisée, les programmes imprimés de chacun, pour s’amuser un peu comme en 2007, avant l’isoloir fatal et cinq ans d’épreuves. La tasse pour tout le monde. Santé !

Marianne dans les marais démocratiques.