La même semaine tombe la condamnation de l’ex trader de la Société générale et j’apprends le développement en Europe, depuis deux ans, des dark pools. Sans doute mon aversion pour l’anglais qui m’a fait passer à côté de ce nouvel outil bien dégoulinant de bonnes intentions financières. Rapprochons ! rapprochons ! il en sortira toujours quelque fosse… nauséabonde.
Les enfanteurs de ces places sans visage, sans signature, avec ce qu’il faut de gros ronds à faire fructifier ? Les banques, au moment même où la gabegie des subprimes gangrénait les circuits financiers. Comme une immonde sortie de secours qui leur a permis de laisser leurs déchets titrisés à la charge des États-épongeurs. Et c’est Kerviel, et lui seul, qui a « porté (…) atteinte à l’ordre public économique international » ! Mais de quel ordre nous parle le tribunal correctionnel de Paris ? Celui qui permet aux établissements bancaires de parachever des zones d’anti-droit ? Avec les crossing network, décidément le jargon anglo-saxon me révulse, ils peuvent proposer à leurs plus gros clients de jouer à la bourse sans être soumis à la réglementation de cette activité. Comment ? Simplement parce que les banques ne sont pas considérées, au regard myope du droit, comme des opérateurs de marché. CQFD. Vous n’avez pas la tronche de tueur ? L’article L 221-1 du Code pénal ne vous concerne pas : vous pouvez trucider en toute quiétude.
Interrogeons-nous sur la détermination de la Société générale à poursuivre Kerviel si, au lieu de 4,9 milliards de perte, le trader en avait fait gagner deux, trois quatre à la banque par des prises de position monstrueuses, mais inspirées. Aurait-on alors pris le risque de stopper une telle dynamique pour des règles qui ne tiennent qu’à la place attribuée à un instant donné ? N’est-ce pas davantage l’échec abyssal de Kerviel que son abus de confiance qui est sanctionné ? En outre, que penser des déclarations de professionnels des marchés financiers qui affirment l’impossibilité d’une telle dissimulation sur des semaines ? La sainte Justice a choisi de ne faire peser la faute que sur un individu aujourd’hui hors circuit, comme pour préserver la banque sanctifiée de toute attaque par des actionnaires remontés contre une négligence fautive, voire une complaisance criminelle.
S’imprégner de ces opacités liquides pour ne surtout pas se laisser couler. Un bon coup de talon salvateur…