Me voilà demandeur d’emploi.
Premier réflexe, pour se donner la posture de celui qui garde le moral et
cultive l’initiative : aller au-delà de l’étroit espace personnel du
troisième Pôle, le moins géographique. La quotidienneté du chercheur – et pas simple demandeur – d’emploi, c’est d’abord la
découverte des offres sélectionnées selon son profil pris de côté bien sûr,
mais aussi de face, de dos voire de travers ! Quelques centaines
consultées plus tard : pas une seule permettant de postuler sérieusement.
Premier signe économique d’une marginalisation en marche ?
Surtout, rester en dynamique,
quitte à patauger dans l’illusoire. Un mal me guette : l’égyptonite aigue qui consiste à multiplier ses profils numériques. Les Linked in, Viadeo et autre plates-formes tellement virtuelles qu’elles finissent
par souligner votre réelle inexistence, mais tout est bien rempli, complété,
illustré : les petits cailloux pour venir jusqu’à moi sont en place.
L’idée émerge, comme une
évidence : la prestation poético-littéraire haut de gamme. Le slogan
aussi : l’époque est assez folle pour offrir un présent singulier. Le
constat : la crise rabâchée n’a pas fait disparaître les occasions
festives, au contraire elle en souligne leur vertu euphorisante. Fête, mariage,
anniversaire, hommage ont en commun l’acte d’affection potentiel : concevoir
des paroles qui incarneront cet élan de sentiments. Faire en sorte qu’elles se
fondent dans un air choisi pour l’émotion procurée, c’est le défi créatif
passionnant.
Alors actions, tous
azimuts : un site mettant en scène des exemples variés et émouvants, un
livret synthétisant le projet, une escadrille de courriels pour référencement
et partenariat, un service de presse avec courrier accrocheur, des relances
téléphoniques à faire fondre son smartphone, le démarchage de centaines de
boutiques pour la mise à disposition d’une brochure explicative… Un trimestre
d’engagement forcené et… RIEN, pas une demande d’information ! Le néant
gagne, ronge.
Le désintérêt de la presse
dépite. Le parcours littéraire évoqué pouvait intriguer un chouia : un
diariste pamphlétaire repenti. Après deux décennies de grognes incendiaires, la
prise de conscience de l’obscénité scripturale à poursuivre ces fulminations
dans une quarantaine bien entamée et la volonté de faire coïncider l’amour des
mots, de la formule percutante avec la sphère affective. Révolution
individuelle qui laisse de marbre les journalistes approchés.
Me voilà sur la berge, le
projet en bandoulière, sans un écho, sans une avancée, prêt au sable mouvant…
Garde à soi ! Rompez l’errant !
Seule réaction enthousiaste sur le site AgoraVox |