Ayant fait mes premières
classes idéologiques dans le giron manipulatoire d’un anarcho-droitiste
oscillant entre l’antidémocratisme primaire et l’exécration de la Gueuse
républicaine, j’observe avec stupéfaction l’évolution doctrinale d’une société
avec laquelle je n’aurai décidément jamais été en phase…
J’ai, depuis belle lurette,
quitté les traverses extrêmes : je m’européanise dans un humanisme
circonspect alors que de plus en plus de citoyens se complaisent dans
d’infectes vulgarités mentales et se contentent du bout crotté de leur nez auquel
les médias offrent un écho redoublé. Mesquinerie sans empathie, égoïsme
irréaliste, surenchère indigente : la vacuité frileuse règne désormais sur
nos ondes. L’adversatif hargneux, voire haineux, devient le réflexe social et
les fracturations nationales s’exacerbent.
Pas nouvelle, la dérive ochlocratique, mais les temps hoquetants
épaississent la perversion du système. Ainsi, en 2006, lorsque les croisés pour l’enlisement ont fait reculer le bravache de Villepin sur le projet de contrat
destiné à aider les jeunes aux études légères et sans emploi dans certaines
cités. Parmi les bardés de diplômes qui ont défilé contre cet assouplissement
du droit du travail, certains s’épanouissent aujourd’hui à Londres, la capitale
du contrat zéro heure. Une intention louable tuée dans l’œuf par la simple peur
des grondements estudiantins : le mauvais pli du pouvoir ne devait que
s’accentuer par la suite.
Les Bonnets rouges ont aussi pu se targuer d’avoir fait se renier un exécutif
ayant investi massivement pour respecter des engagements et qui annule tout
pour contenter quelques factions régionalisées. Le politique aux manettes
semble ne plus avoir pour objectif d’éclairer les citoyens sur l’intérêt général
d’une décision : il capitule face aux résistances menaçantes. Après cent
trente années cumulées de démocratie représentative, les gouvernants s’exécutent
désormais devant la pression d’une opinion publique incohérente.
Désormais, les incontournables
réseaux sociaux, qui n’ont du réseau que la masse informe et suiviste d’un méga
zinc malfamé et de social que l’illusoire impression d’avoir une quelconque
importance dans cette infecte tambouille, dictent leurs borborygmes aux médias
traditionnels obsédés par leur devanture prétendument en phase avec les miasmes
anonymes.
La Morano incarne cette
déliquescence politique qui n’a pour seule obsession que de renifler ce que
peut bien expectorer la simpliste vox
populi pour s’en faire le porte-voix opportuniste. Accompagner, voire
précéder les plus bas instincts, voilà la stratégie électoraliste de nombre de
ceux qui devraient avoir pour horizon de tirer vers le meilleur notre destin
collectif.
On reproche parfois à la
démocratie représentative d’être coupée de la souveraineté populaire ;
avec l’ochlocratie la volonté instinctive de la masse, même la plus régressive,
devient paroles d’évangile.
Ainsi foire-t-elle.