La
maturité démocratique impliquerait qu’un rejet, une destruction, soit indissociablement
lié à un projet précisé ou à une construction définie bénéficiant du même
soutien majoritaire. Mais voilà : notre système institutionnel tolère la
coalition destructrice sans aucune assurance de ce qui se substituera à l’élément
mis en pièces. Ce doit être la part primaire de notre État de droit.
Rappelons-nous
2005 et l’addition de forces politiques compatibles dans le seul et unique but
de saborder le projet de Constitution
européenne. Approche binaire débilitante dans lequel un « oui »
ouvrait sur un cadre identifié alors que le « non » hétéroclite n’a
pas permis de faire émerger autre chose qu’un blocage politique de l’Union. (Remercions
à nouveau ici Jacques Chirac et ses collègues étatiques d’avoir mis la charrue
de l’élargissement avant les bœufs institutionnels.) Cela a nécessité, pour
éviter le masochisme collectif délétère, d’adapter les règles de fonctionnement
à vingt-huit États membres via le traité de Lisbonne.
Prenons
le Brexit de nos partenaires britanniques : décider le retrait, pourquoi
pas, mais avec quelles conséquences et pour quelles perspectives ? L’alliance
de ceux qui ont piétiné cette construction pouvait-elle seulement y substituer
un projet national cohérent ? Apte au champ de ruines, la démocratie
directe semble bien l’être, tout comme, parfois, la voie représentative : ainsi les parlementaires anglais, vent debout contre le compromis issu des laborieuses
négociations de sortie de l’UE, mais dont les justifications respectives s’écartent
aux antipodes.
A
entendre les Jaunâtres gueuler, bave en coin, « Macron démission ! »,
on se demande bien ce qu’ils auraient la capacité politique de faire à sa place. L’individualisation
des revendications édifie sur ce qui constituerait l’après-Macron : la loi
du plus fort, si loin de l’intérêt général, ou une funeste instabilité.
A
chaque fois, la coagulation de forces éparses pour détruire est suivie d’une
révélatrice incapacité à se mettre d’accord sur un projet viable. La sagesse
démocratique supposerait que tout « non », tout rejet, toute
destruction soit obligatoirement couplé à ce qui est proposé en lieu et place,
et qu’on ne puisse additionner ensemble que les opposants compatibles pour la
suite…
A
quoi sert-il, au-delà du caractère injuste et cruel de l’acte lui-même, de
guillotiner Louis XVI si c’est pour consolider la Terreur et l’absurdité
sanguinaire d’un « vous vous trancherez la tête les uns les autres » ?
Voilà le nihilisme politique : puissance destructrice puis impuissance à
construire qui laisse croître l’amertume, le ressentiment voire la haine, autant d'états d'esprit fortement déconseillés pour colmater une embarcation collective sans gouvernail.
En
ce sale jour de l’acte X des Jaunâtres, pièce à rallonge de très mauvais goût,
chacun devrait jauger ce qu’il a aujourd’hui et ce qu’il pourrait ne plus avoir
demain par le fait de ces bien trop visibles agrégats ochlocratiques.