25 avril 2006

Humanité bas perchée

Diffusion par Arte du Cauchemar de Darwin de Hubert Sauper, dont je n’avais suivi que de loin les polémiques attenantes. Ce documentaire sans complaisance, un peu à la façon des instantanés de l’émission Strip-tease qui rapportait sans commenter des tranches de vie, nous révèle l’Afrique telle qu’elle est et meurt aujourd’hui. Non que je ne sache rien des fléaux et exploitations acharnées du continent par les colonisateurs économiques, avant d’avoir découvert ce chef d’œuvre réaliste ; mais l’incisive démonstration des images, l’authenticité des autochtones, les contrastes de situations vous prennent à la gorge, rendant presque honteux d’appartenir au même coin géographique que les exploiteurs des lieux.
Des images en vrac me reviennent : ces enfants des rues se battant comme une meute affamée autour d’une écuelle de riz ; cette femme mettant à sécher les restes (têtes et arêtes) de perches en repoussant les vers qui ont investi les plus anciens jonchant le sol ; ce gardien de l’Institut national des pêcheries qui espère la guerre en Tanzanie et son engagement à tuer pour régler ses problèmes de survie ; cette Héloïse, prostituée aux yeux de chat, qui chantonne en douceur devant la caméra de Sauper, victime quelques semaines plus tard du défoulement meurtrier d’un barbare australien ;
cette femme morte-vivante, atteinte par le Sida et qui parvient, dans un souffle de voix désespéré, à révéler qu’elle ne peut plus se nourrir… Galerie éperdue de ces sacrifiés pour l’opulence préservée des potentats du régime, des quelques gros bonnets de pays riches (l’Europe en tête) impliqués dans le pillage légalisé, et finalement pour maintenir le déséquilibre mondial en notre faveur.
La perche du lac Victoria comme parangon d’une ignoble manière d’exploiter l’Afrique en lieu et place du peuple africain. Ne nous leurrons pas de naïveté, toutefois : si notre continent avait été le point faible à dépouiller, les autres coins du monde (y compris le continent noir) se précipiteraient comme autant de charognards gourmands. Le vice du système tient à une humanité indigne qui ne respecte que la loi du plus fort, sous d’hypocrites révérences à la légalité affichée.


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