21 août 2009

"Tribune libre" pour Micberth en liberté

Quelques mois avant l’été 76, dont je retrouve la touffeur oppressante ces derniers jours à Lyon, un certain Micberth accédait au petit écran, questionné par mon jeune homme de père. La Tribune libre d’Alessandri et Michelot accueillait ce chevelu barbu trentenaire au décapant message politique : « le droit à la différence » et « l’apologie de la désobéissance »… Apparente générosité anarchiste qui bousculait les institutions établies pour lui substituer une évasive voie de l’exemplarité.


Pourquoi revenir sur cet obscur moment de télévision ? Incroyable résurrecteur Internet : Dailymotion s’est vu proposer l’enregistrement de cette émission désormais consultable à chaque coin du territoire mondial. Ne nous emballons pas : quelque 250 visionnages de la prestation ont seulement eu lieu à ce jour.

M.-G. Micberth

La démarche de proposer à nouveau ce message trouve sans doute sa motivation dans la période incertaine d’une crise mondiale en cours. Après Che Coupat pour la gauche rebelle, voilà Karl Micberth pour la droite réfractaire. L’étiquette politico-géographique initiée par Mirabeau, comme le rappelle le président de la NDF, n’empêche pas les concordances de diagnostic et d’exécration. Lisez plutôt :

- « (…) la bourgeoisie… ce marais incertain où s’enlisent toutes les misères du monde. »
- « La démocratie indirecte est un attrape-cons et ne sert en définitive qu’à asseoir l’autorité et la fortune d’une poignée de méprisables canailles. »
- « Nos professions de foi balaient d’un coup tous les tenants des ordres nouveaux, les nationaux socialistes, les fascistes de guinguettes, tous ces jocrisses bigarrés inconsistants, récupérés à la première occasion par le monde de l’argent. »
- « En voilà assez d’obéir à de pâles humanoïdes, pantins orgueilleux, articulés par quelques rusés qui se tiennent dans l’ombre ! »
- « (…) la société bourgeoise ne pourra engendrer que des générations de désespérés ou d’esclaves décervelés. »
- « L’éden industriel ne peut nous apporter qu’un bonheur relatif, une sorte de pastiche du bonheur et masquer ainsi, irrémédiablement, notre véritable raison de vivre. »
- « Pourquoi refuser d’imaginer qu’une société composée d’individualités très marquées, puisse exister et vivre dans l’harmonie ? »


D. Decrauze
Modérons l’enthousiasme, tout de même. Comme j’ai tenté de l’esquisser pour Coupat aujourd’hui, le message du Micberth d’hier, tout généreux soit-il dans les intentions affichées, n’ouvrirait, en cas d’incarnation généralisée, qu’au chaos sacrificiel avec son lot de victimes des déchaînements barbares et de la satisfaction égocentrée des plaisirs de certains.


Quelles différence y aurait-il, alors, entre « la République bâtie sur les cadavres de centaines de milliers de Français », oubliant dans cette fustigation que les lignées au pouvoir dans l’Ancien Régime n’avaient rien du parangon de l’éthique éthérée, et la nouvelle aristocratie en charge du pays, habitée par de prétendues exemplarités existentielles aux critères insaisissables et malléables à l’envie ? S’ériger comme le meilleur dans son domaine n’a jamais impliqué l’altruisme minimal nécessaire pour mener une nation en préservant, vaille que vaille, la paix sociale.


Les désespérés de cette crise pourraient facilement s’agréger autour de l’iconoclaste appel : « désobéir » ! Vivifiante enseigne qui laisse entrevoir de prometteurs horizons… Sauf qu’il faut faire avec la nature humaine et, notamment, l’infecte partie qui pratique, sans aucune belle conscience utopiste, la rébellion opportuniste. Désobéir revient, en fait, à s’estimer davantage capable que le complexe contrat social. On sait pourtant fort bien le risible et lamentable échec qui couronnerait l’action de tous ceux qui gueulent contre le pouvoir démocratique s’ils s’emparaient des rênes du pays. Risible… sauf pour les victimes de leurs lubies idéologiques. Micberth comme Coupat ne sont d’ailleurs pas dupe : l’objectif n’est en aucun cas la conquête du pouvoir.


Alors, pour quoi faire ? La clef se trouve peut-être au détours d’une phrase prononcée il y a 33 ans : « Il [l’homme de droite] sait surtout, par l’intelligence et l’histoire, que le bonheur est pragmatique et ne veut pas laisser échapper le paradis qui lui est offert pour le temps de sa vie. » Voilà l’affaire : asseoir son autorité par l’esbroufe séduisante du combat politique pour justifier une vie non-conformiste, aux contraintes déléguées au maximum et aux plaisirs sucés jusqu’à la moelle de ses sujets, tel un magistral grooming.


De la politique ? Certes non. De la philosophie ? Peut-être, mais il faudrait alors aller chercher du côté d’un nouvel Aristippe insensible à la douleur physique et morale.

1 commentaire:

Loïc Decrauze a dit…

Parmi mes premiers lecteurs, un vaillant et courageux anonyme laissa le commentaire suivant le 21 août 2009 à 12h38 :

"Remarquable travail d'un excellent diarrhéiste (on peut écrire diariste, mais ici c'est dommage)."

Une mauvaise manoeuvre, sans doute la joie provoquée par cet hommage inespéré, m'a fait empêcher sa publication sous cet article. Je me devais donc de le restituer dans son intégrité...

A propos de diarrhée, je ne vois qu'une raison à cette intervention clandestine : un fond vraiment pas propre, voire même carrément crade, qui nécessite de se cacher. Ceci expliquant cela.